Les dirigeants des confédérations syndicales salariales commencent à s’en émouvoir : la mise en oeuvre des ordonnances Travail devrait se traduire par une hémorragie de la représentation salariale. D’après leurs estimations, entre un quart et un tiers des élus devrait perdre son mandat. Une situation qui pourrait poser problème aux principaux intéressés mais également… à leur employeur !
Pas mal de sortants sortis !
Nul ne sait si la fusion des instances de représentantion du personnel prévue par la réforme du Code du Travail permettra vraiment de donner un coup de fouet au dialogue social dans les entreprises. En revanche, ce qui est certain, c’est que cette fusion va se traduire par une baisse significative du nombre de représentants du personnel.
D’après les estimations avancées par Jean-Claude Mailly à lors d’une interview à l’Opinion, entre “150 000 et 200 000 vont perdre leurs mandats”. “Ce n’est pas rien” a tenu à préciser M. Mailly. Certes… A titre d’information, en 2011, la Dares a dénombré environ 600 000 personnes détenant au moins un mandat d’élu. La diminution du nombre d’élus qui va avoir lieu est donc conséquente.
Déplorant lui aussi cette évolution prochaine, Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, a assuré que pour sa seule organisation, environ “60 000 élus et mandatés” devraient perdre leur(s) mandat(s). A toute chose, malheur peut toutefois être bon : avec une telle perte en ligne, on ne pourra plus reprocher à la centrale de Montreuil de s’institutionnaliser !
Le retour au travail
Il est probable que beaucoup de ces mandataires appelés à ne plus l’être continuent actuellement, en parallèle de leur mandat, à exercer une activité professionnelle durant l’essentiel de leur temps de travail. Dans ce cas, la fin de leur activité de représentation ne devrait pas se traduire par un bouleversement de leur vie ni par une nécessaire réorganisation de leur entreprise.
Ceci étant dit, dans un nombre de cas non négligeable, notamment dans environ 250 entreprises françaises, les plus importantes, celles qui comptent plus de 5000 salariés, les mandats peuvent vite accaparer ceux qui les occupent. Et en venir à représenter un mi-temps, voire plus encore. La nécessaire réorganisation des carrières des ex-mandataires et des entreprises pourrait alors poser problème, à tel point qu’un rapport a été remis la semaine dernière à ce sujet à Muriel Pénicaud, la ministre du Travail. Ce rapport établit quelques pistes afin de favoriser le “retour à l’emploi” des anciens représentants du personnel.
Un retour perdant-perdant ?
On conçoit aisément que, du point de vue de l’ex-mandataire, la mise en oeuvre de la réforme du Code du Travail ne s’apparente pas tout à fait à une évolution favorable. Quitter des fonctions de représentation, obtenues généralement en seconde partie de carrière, pour retourner à temps plein en entreprise, n’est pas forcément une perspective réjouissante.
Ce que l’on ne conçoit pas d’emblée, c’est que pour l’employeur non plus, cette évolution n’est pas moins problématique. Au-delà des enjeux importants de réorganisation interne, le retour massif dans les équipes opérationnelles de syndicalistes fins connaisseurs du droit du Travail et rompus aux relations sociales parfois revêches ne devrait pas vraiment être tenu pour une excellente nouvelle par les employeurs…