Ordonnances : patronat qui rit, syndicats désunis

A l’occasion de la présentation, hier, par le Premier ministre Edouard Philippe et la ministre du Travail Muriel Pénicaud, des ordonnances portant réforme du Code du Travail, les réactions des dirigeants des organisations patronales et syndicales ont été – qui s’en étonnera ? – très contrastées. Alors qu’à l’unisson, le patronat se frotte les mains, les syndicats de salariés affichent leurs divergences. 

Un patronat pleinement satisfait

Les représentants du patronat français ne boudaient pas leur plaisir hier. Exprimant, une fois n’est pas coutume, des idées relativement proches, ils ont clairement fait savoir que les textes gouvernementaux leur convenaient tout à fait. Ainsi, lors d’un point presse réalisé au siège du Medef, Pierre Gattaz s’est félicité du contenu des ordonnances : “Il nous semble que cette réforme par ordonnances est une première étape importante dans la construction d’un droit du travail en phase avec la réalité quotidienne de nos entreprises”. Partant de là, il a assuré que “le Medef, bien sûr, est prêt à jouer le jeu”. 

Tout aussi enthousiaste, l’U2P – ex-UPA et ex-UNAPL réunies – a d’emblée fait savoir, par la voix de son président Alain Griset, qu’elle était “pleinement satisfaite” par la réforme à venir du Code du Travail. M. Griset a étayé son sentiment en parlant de “message d’espoir” envoyé aux entreprises : “pour nos entreprises, c’est un message très fort, un message d’espoir”. 

Pouvant, après un tel concert d’éloges patronales, s’offrir le luxe de la réserve, François Asselin a pour sa part qualifié le projet gouvernemental de “particulièrement pragmatique”. Bon seigneur, le président de la CPME a même souligné qu’il “n’enlève rien à l’équilibre de la sécurité dont ont besoin les salariés.” 

FO, la CFTC et l’UNSA plutôt optimistes

Un tel enthousiasme patronal aurait pu conduire tous les responsables des syndicats de salariés à dénoncer vivement les ordonnances promues par le Président de la République. Il n’en a pourtant rien été. Certes, il n’est guère surprenant que les dirigeants de la CFTC et de l’UNSA voient non pas le verre à moitié vide mais plutôt à moitié plein. Philippe Louis, le président de la centrale chrétienne estime notamment que l’essentiel est sauf puisque “la branche garde ses prérogatives”. L’UNSA, de son côté, “constate que plusieurs propositions maximalistes contre lesquelles elle s’était élevée, ont été écartées”. Tout le monde l’a bien compris : la CFTC et l’UNSA ne partiront pas en guerre contre la réforme du Code du Travail. 

Pour quiconque se souvient du mouvement social qui a accueilli la réforme El Khomri l’an passé, l’attitude de FO pose en revanche beaucoup plus question. Dans la droite lignée de ses déclarations d’avant publicisation du contenu des ordonnances, Jean-Claude Mailly a réaffirmé qu’il ne pense vraiment pas que du mal de la réforme du Code du Travail version Emmanuel Macron. “Il y a trois colonnes : ce que nous obtenons, ce que nous avons évité et ce sur quoi nous sommes en désaccord. Il y a des éléments dans les trois colonnes” a-t-il en effet déclaré. Plus encore, il a qualifié les responsables et militants de la fédération FO du transport, qui entendent manifester aux côtés de la CGT le 12 septembre, de “grognons râleurs”. L’exécutif peut vivement remercier Jean-Claude Mailly, l’agréable optimiste, dont le soutien pourrait s’avérer décisif. 

La CGT, la CFE-CGC et Solidaires remontés

Il y a un an encore meilleure alliée de FO, la CGT ne pourrait pas en être plus éloignée cette année. Son président, Philippe Martinez, n’a pas du tout été rassuré par le contenu des ordonnances. Au contraire, il a jugé que “toutes les craintes” cégétistes étaient finalement “confirmées”. Plus encore, il a affirmé que le projet gouvernemental revenait à abolir la notion même de contrat de travail : “c’est évident et c’est écrit: c’est la fin du contrat de travail”. Aussi M. Martinez a-t-il confirmé son appel à la mobilisation pour le 12 septembre. Chez Solidaires, la tonalité est la même. Evoquant, au sujet du contrat du travail, une “mort sur ordonnances”, Sud appelle également à la mobilisation à partir du 12 septembre, “pour engager le combat dans la durée”. 

Signe du caractère troublé des temps actuels : le duo de contestataires peut compter sur le soutien de la CFE-CGC. Déplorant les “instruments de flexibilisation du marché” et la “probable[…] précarisation plus importante des salariés” institués par les ordonnances, la centrale présidée par François Hommeril ne revient donc pas sur son attitude globalement hostile à l’égard du projet de réforme du Code du Travail. Si la CFE-CGC n’appelle pas, pour l’instant, à battre le pavé avec la CGT, Solidaires et les “grognons râleurs” de FO, il n’en demeure pas moins que sa posture critique n’est pas une bonne nouvelle pour l’exécutif. 

La CFDT, “déçue”

Les mauvaises nouvelles n’arrivant d’ailleurs que rarement seules, la CFDT a elle aussi exprimé tout le mal qu’elle pense des ordonnances Macron. Estimant que “cette réforme n’est pas à la hauteur”, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, a fait état de sa “profonde déception face à l’opportunité qui était de faire du dialogue social un élément central de la gouvernance des entreprises”. Il est vrai que, tout comme la CFE-CGC, la CFDT ne participera pas à la manifestation du 12 septembre. Ceci étant dit, sans geste supplémentaire de l’exécutif à l’endroit de la CFDT, il ne faudrait pas écarter trop rapidement l’éventualité qu’elle en vienne à adopter un ton plus offensif. 

Plus généralement, il est évident qu’il pourrait vite devenir très difficile pour le gouvernement de mener les réformes qu’il souhaite mener en se passant de la centrale cédétiste. 

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