Opacité du financement patronal: que fait l’AGFPN?

L’opacité continue à régner sur le financement patronal, et ce sujet risque de devenir, dans les mois à venir, un véritable problème. Malgré l’affaire UIMM, malgré une négociation sur la représentativité syndicale, en 2008, qui avait prétendu moraliser le sujet, malgré la loi de mars 2014 qui a mis en place un fonds paritaire géré par l’AGFPN, le plus grand désordre continue à régner sur le sujet. 

La loi de 2008 était pourtant claire…

En avril 2008, les partenaires sociaux avaient accepté une “délibération sociale” qui a réformé la représentativité syndicale, en posant un principe simple: celle-ci doit se fonder sur l’audience, et le financement des syndicats doit devenir transparents. 

La loi du 20 août 2008 a donné corps à ces principes en créant l’article L 2135 du Code du Travail, dont le 2135-5 dit très simplement: 

Les syndicats professionnels de salariés ou d’employeurs, leurs unions et les associations de salariés ou d’employeurs mentionnés à l’article L. 2135-1 tenus d’établir des comptes assurent la publicité de leurs comptes dans des conditions déterminées par décret pris après avis de l’Autorité des normes comptables. 

 

Le décret visé par cet article a ajouté (D 2135-7): 

Les syndicats professionnels de salariés ou d’employeurs et leurs unions, et les associations de salariés ou d’employeurs mentionnés à l’article L. 2135-1 dont les ressources au sens de l’article D. 2135-9 sont égales ou supérieures à 230 000 euros à la clôture d’un exercice assurent la publicité de leurs comptes et du rapport du commissaire aux comptes sur le site internet de la direction de l’information légale et administrative. 

 

On peut difficilement être plus clair… 

Un respect très approximatif…

La limite est donc fixée à 230.000 euros. Passé ce montant, une organisation syndicale, qu’elle soit salariale ou patronale, doit rendre ses comptes publics, éventuellement avec une nomenclature simplifiée. 

Nous avons, au hasard, effectué un sondage dans des branches liées à l’agro-alimentaire, pour vérifier si oui ou non cette obligation était respectée. Voici le résultat: 

Source: www.entreprise.news

Sur 18 fédérations patronales signataires d’accords collectifs, 10 ne publient pas leurs comptes. Bien entendu, cet “oubli” peut être lié au couperet des 230.000 euros, mais sur ce point un très fort doute existe. Il est en effet étonnant que, dans le secteur des eaux embouteillées, une seule fédération atteigne le seuil. On aimerait donc être sûr que l’obligation de publicité des comptes soit effectivement surveillée et respectée. 

Le cas de la boulangerie

Dans cette absence de dépôts, qui n’est pas conforme à la loi, on notera en particulier le cas de la Confédération Nationale de la Boulangerie (CNB), qui pose un véritable problème. 

Ce problème existe d’abord parce que la Confédération dépasse forcément les 230.000 euros de recettes. Si l’on songe que la petite confédération des pâtissiers les dépasse, il est en effet impossible qu’il n’en soit pas de même pour les boulangers. 

Mais, et nous y reviendrons demain dans le cadre de notre célébration du 70è anniversaire du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), le fait que l’ancien président tout-puissant de la Confédération Nationale de la Boulangerie, Jean-Pierre Crouzet, soit devenu président de la troisième confédération représentative des patrons, l’UPA, et qu’il siège au CESE en cette qualité, ne peut que nous alerter. 

Comment un personnage aussi reconnu par la République, qui est supposé incarner l’institution et la règle, peut-il à ce point se placer (en toute impunité) au-dessus des lois? 

Le flicage complice du ministère du Travail

Au passage, on notera que, dans la démarche d’opacité et de résistance à la transparence démocratique, les organisations patronales reçoivent le soutien (pas si) inattendu du ministère du Travail et de la DILA (des services du Premier Ministre) dont l’allergie à la communication des données en application du droit communautaire est bien connue. 

Un excès de requête sur le site ministériel en charge de la publicité des comptes syndicaux donne en effet lieu à la parution de ce petit texte expliquant le blocage des consultations: 

 

Une fois de plus, l’Etat montre comment il est un docile serviteur du capitalisme de connivence qui entrave la prospérité de ce pays. 

Que fait l’AGFPN?

Il nous semble que le mouvement patronal ne peut éternellement rester dans cette injonction paradoxale qui consiste à réclamer pour les syndicats de salariés l’application de règles qu’il refuse pour lui-même. On ne peut être crédible, en démocratie, en adoptant des voilures à géométrie variable selon l’étiquette que porte le bateau. 

Le gouvernement a créé une nouvelle usine à gaz, l’association de gestion du fonds paritaire national, présidée par l’excellent Jean-Claude Volot (MEDEF). C’est à elle que revient la fonction de donner un grand coup dans la fourmilière pour que le patronat français se place en cohérence avec les valeurs qu’il promeut pour les autres. 

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