Négociation collective: la fable des accords d’entreprise

Le bilan de la négociation collective pour 2015 (publié avec deux mois de retard par rapport aux autres années) donne l’occasion d’un rappel simple. Tout le débat socio-économique est dominé depuis plusieurs mois par les vertus prêtées aux accords d’entreprise. Le bilan dressé par le ministère du Travail permet de replacer cette thématique très à la mode dans ses justes proportions. 

36.000 accords d’entreprise en France

Selon le ministère du Travail (et personne ne doute de ces chiffres), les entreprises ont signé 36.600 accords en 2015, contre 36.500 l’année précédente. Le chiffre est répété partout comme un mantra, comme s’il devait impressionner le lecteur, et comme s’il constituait une sorte d’aboutissement, ou de triomphe pour la fameuse « démocratie sociale ». 

Ce chiffre brut appelle toutefois une première remarque: la France compte 3,4 millions d’entreprises. En admettant l’hypothèse (fausse) que les 36.600 accords de 2015 soient le fait de 36.600 entreprises différentes (évaluation injuste, puisque beaucoup d’entreprises signent plusieurs accords la même année), il reste encore 3.363.400 entreprises qui n’ont pas signé d’accords. En l’état, environ 1% des entreprises négocie des accords… Ce qui peut être présenté d’une autre façon: dans 99% des entreprises, aucun accord n’est signé. 

Combien de textes discutés en entreprise

Plus problématique encore, la proportion de textes discutés par rapport aux textes signés soulève des questions. Ainsi, selon le ministère du Travail, la répartition des textes selon leur mode de conclusion est la suivante: 

 

Sur 61.000 textes discutés, selon 36.600 donnent lieu à une négociation avec les représentants du personnel. 15% des textes sont adoptés par référendum et 25% par décision unilatérale de l’employeur. 

Si la négociation collective reste un mode majoritaire d’adoption des textes en entreprises, elle est fortement concurrencée par la décision unilatérale de l’employeur. Voilà qui témoigne de la difficulté du dialogue social en entreprise et qui tempère fortement les leit-motiv naïfs sur le sujet. 

Pourquoi les entreprises négocient si peu

Une question se pose, bien entendu, dans ce dossier: pourquoi 99% des entreprises ne négocient-elles pas d’accord? 

La raison principale ne tient pas à un désintérêt des entreprises pour le sujet, mais à une interdiction légale: 3,3 millions d’entreprises, comme l’indique l’INSEE pour 2015, comptent moins de 10 salariés et n’ont donc pas le droit de négocier d’accord collectif. Cette faculté est réservée aux entreprises de plus de 10 salariés. 

 

Autrement dit, seules 100.000 entreprises en France disposent de la faculté juridique de mener des négociations collectives. 

Remettre la loi Travail en perspective

Ce petit rappel permet donc de souligner que les débats sur l’inversion de la hiérarchie des normes, qui ont dominé la loi Travail, ne concernent que 3% environ des entreprises françaises. Les autres sont exclues du sujet. 

Comment résoudre de problème?

Cette situation est-elle inéluctable? 

Non, bien sûr, car il ne tient qu’au législateur d’autoriser la négociation collective dans les très petites entreprises, notamment en autorisant la généralisation du mandatement. Cette technique permet un salarié de bénéficier d’une protection syndicale proportionnée à la négociation, sans obligation de se syndiquer. 

Pour y parvenir, il faut toutefois que le législateur réforme les conditions du mandatement, réservées aujourd’hui aux entreprises disposant d’une section syndicale. 

Moyennant cette adaptation légale, la négociation collective pourrait concerner toutes les entreprises françaises. 

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