Réunis hier pour une cinquième séance de négociation sur l’avenir de l’assurance chômage, les partenaires sociaux n’ont guère progressé dans leur tâche d’élaboration d’un accord paritaire que le chef de l’Etat pourrait juger convenable. Dans cette négociation, le paritarisme semble toucher du doigt ses limites. Une intervention vigoureuse de l’Etat apparaît, dès lors, de plus en plus probable.
Saubot tient bon sur les contrats courts
Fidèle à sa ligne de conduite sur la question des contrats courts, Alexandre Saubot, le négociateur du Medef – et très probable candidat à la succession de Pierre Gattaz – n’a rien voulu lâcher de substantiel aux représentants des salariés. Il refuse d’entendre parler d’un système national et interprofessionnel visant à pénaliser financièrement les entreprises recourant plus que la moyenne à ce type de contrat. Il entend simplement appeler les quatre branches – et non les onze, comme le voudraient les syndicats de salariés – recourant le plus à ce type de contrats : l’intérim, le spectacle, l’hôtellerie-restauration et l’hébergement médico-social, à négocier sur ce sujet. Pour le Medef, pénaliser les contrats courts pourrait, in fine, aggraver la précarité des salariés en les privant d’emploi.
Seul pas en direction des organisations syndicales : cet appel serait non pas une invitation lancée aux représentants de ces branches mais une obligation qui leur serait imposée. Ceci suffira-t-il à convaincre les dirigeants de la CFDT, de la CFTC et de la CFE-CGC ? Ceci n’est pas impossible, dans la mesure où ils ont très probablement compris que M. Saubot ne pouvait pas aller plus loin sur les contrats courts, sauf à perdre toutes ses chances de présider le Medef. Un tel point d’accord, s’il devait toutefois effectivement être trouvé, conviendrait-il ensuite aux pouvoirs publics ? Ceci est moins évident, dans la mesure où l’exécutif pourrait préférer un système de bonus-malus, symboliquement fort, à une obligation faite aux branches de négocier, moins vendeuse dans l’opinion publique.
Le refus de l’agenda étatique
Outre ce problème de leur incapacité à se mettre d’accord sur un bonus-malus applicable aux contrats courts, les partenaires sociaux expriment plus généralement un refus de l’agenda étatique de la réforme de l’assurance chômage. En particulier, ils ne semblent pas tout à fait heureux à l’idée d’accueillir l’Etat à la table des futures négociations, ainsi qu’à celle des conseils d’administration, de l’assurance chômage. Le passage du projet d’accord patronal relatif à cette question, qui prévoit qu’à l’avenir, les partenaires sociaux devront “définir en toute autonomie les règles d’indemnisation et le niveau de ressources nécessaires du régime” et que le régime devrait se passer “à terme” de la garantie financière accordée par l’Etat n’a, en tout cas, pas été critiqué par les syndicats de salariés.
Si elle était amenée à rester en l’état, cette réflexion sur la future gestion de l’assurance chômage ne devrait guère convenir à l’exécutif, qui entend clairement impliquer l’Etat dans le dispositif. Ce désaccord entre l’Etat et les partenaires sociaux s’ajouterait donc à celui sur les contrats courts – mais également à celui sur l’indemnisation des démissionnaires, le projet d’accord paritaire à ce sujet étant quelque peu différent de ce qu’avait conçu le gouvernement. Enfin, alors qu’il ne reste plus qu’une séance de négociation, le peu d’empressement des partenaires sociaux à se saisir du problème de l’indemnisation des indépendants laisse imaginer, là encore, un autre désaccord entre l’Etat et les paritaires – désaccord qui prendra la forme soit d’un refus de s’emparer du sujet soit d’un accord minimal.
Invité, en quelque sorte, par les partenaires sociaux à assumer seul les conséquences de ses promesses électorales en matière d’assurance chômage, Emmanuel Macron devrait prochainement avoir l’occasion de prendre ses responsabilités.