Ayant eu quelques mois afin de digérer l’échec, en juin dernier, de la négociation chômage, les partenaires sociaux ont tenté de renouer le dialogue hier. Sur le fond, les uns et les autres n’ont pourtant pas changé de position. Alors que la prochaine présidentielle arrive à grands pas, l’hypothèse d’une reprise en main du régime par l’Etat apparaît de plus en plus sérieuse.
L’enjeu des contrats courts
Principal motif de désaccord entre les négociateurs en juin, le sort à réserver aux contrats courts continue de les diviser profondément. Les syndicats entendent toujours augmenter les cotisations qui pèsent sur les contrats courts, soit par le biais, explicite, d’une surcotisation (CGT), soit par celui d’un système de bonus-malus pénalisant les entreprises qui recourent à ces contrats (FO et CFE-CGC), soit, enfin, par celui d’une dégressivité des cotisations selon la durée dans l’emploi (CFDT et CFTC).
Les organisations patronales, de leur côté, demeurent, unanimement, tout à fait opposées à ce principe d’une pénalisation financière des contrats courts. Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président du MEDEF, a ainsi estimé que “si on taxe les CDD, il n’y aura pas plus de CDI”. Etant donné cette divergence entre les deux collèges, on voit mal sur quelle base les discussions peuvent vraiment reprendre.
Des échanges sans finalité ?
Jamais à courts d’idées pour sauver ce qui peut l’être des meubles paritaires, les partenaires sociaux vont en réalité échanger leurs points de vue sur les grands enjeux actuels de l’assurance chômage. Il s’agirait d’en faire un “diagnostic”. Dans un second temps seulement, à la mi-février, les négociateurs décideront si oui ou non, ils entrent dans le vif du sujet.
C’est le MEDEF qui a pris l’initiative de ce format original de négociation, qui a tout autant de chances de donner lieu à un accord que de finir en eau de boudin. Sans avancer de calendrier, il avait en effet initialement proposé la tenue de “six-sept” séances de causeries, afin d’évoquer “les évolutions et réformes récentes du marché du travail, les nouvelles formes d’emploi et de protection sociale, l’accompagnement et la formation professionnelle, le fonctionnement de l’assurance chômage”.
Craignant, sans doute à juste titre, que ces agapes soient surtout un moyen pour le MEDEF de noyer le poisson, les syndicats de salariés ont préféré réduire à trois le nombre de séances de diagnostic. Organisées en janvier et début février 2017, elles seront l’occasion d’aborder les questions liées aux contrats courts, au fonctionnement du marché du travail avec une comparaison européenne et à l’état de l’assurance chômage. A l’issue de ces réflexions croisées, les représentants des employeurs et ceux des salariés prendront la décision d’engager ou non une négociation à proprement parler.
La tentation de l’échec
Quoiqu’il en soit, ces tergiversations paritaires apparaissent quelque peu déplacées étant donné les niveaux de déficit et d’endettement atteints par l’assurance chômage. C’est sans doute en faisant le constat de ce malheureux paradoxe que quelques responsables politiques de premier plan, en particulier François Fillon, ont exprimé le souhait d’en finir avec la délégation de service public dont bénéficie l’Unédic.
Une telle proposition n’est probablement pas passée inaperçue du côté des représentants des employeurs. Plus précisément, si elle ne séduit que moyennement les responsables patronaux attachés au paritarisme, issus notamment de l’UIMM, en revanche, elle convient pleinement à ceux, plus libéraux, qui préfèreraient quitter ce navire paritaire avant qu’il ne sombre totalement. L’attitude ambigüe du MEDEF : prêt à s’engager dans des discussions mais ne semblant pas pressé d’aboutir à un accord, pourrait bien résulter de ces désaccords internes.
Dans cette configuration financière et politique d’ensemble, et étant donné le calendrier serré qui s’impose aux négociateurs du régime d’assurance chômage, il est plus que jamais envisageable qu’à la fin de l’année prochaine, il ne reste plus grand chose de la façade paritaire de l’Unédic.