Alors que le congrès de la FNMF a servi de vitrine aux chants d’amour entre la majorité socialiste et la mutualité française, la FNIM s’apprête à tenir une tout autre participation: elle devrait d’ici au 7 juillet intenter un recours en excès de pouvoir contre le décret d’application de Solvabilité 2 devant le Conseil d’Etat. Cette action devrait invoquer l’inconventionnalité de l’ordonnance de transposition de la directive, c’est-à-dire son “écart” par rapport au texte d’origine.
Les valeurs mutualistes en question
Pour Philippe Mixe, président de la FNIM, le combat ressemble à une guerre totale contre un dispositif institutionnel qui menace les valeurs mutualistes. Au premier rang de ses griefs, la doctrine des “four eyes”, des “quat’zyeux”, qui oblige toutes les organismes soumis au champ de la directive à disposer d’un management bicéphale, occupe une place privilégiée. En outre, la mise en place du “fit and proper”, c’est-à-dire d’un pouvoir de censure du régulateur sur les administrateurs élus par les adhérents lui paraît une mise en cause radicale de l’esprit mutualiste.
Dans la pratique, le “fit and proper” remet effectivement en cause la possibilité, pour une mutuelle qui lève plus de 5 millions d’euros de cotisation, de recruter les administrateurs de son choix. Elle oblige à professionnaliser les conseils d’administration et surtout à procéder à une sélection financière des élus. Le “fit and proper” exclut en effet des administrateurs qui se trouveraient en situation d’insolvabilité personnelle.
Pour les petites mutuelles, ces critères sociaux constituent une véritable rupture avec leur tradition et bouleversent les valeurs fondamentales de la structure. Philippe Mixe n’hésite pas à parler de déni de démocratie.
Le contentieux comme arme pour se faire entendre face à la FNMF
Philippe Mixe échange avec l’ACPR, depuis plusieurs mois, des courriers contestant l’interprétation française de la directive. Celle-ci permettrait notamment d’exclure les mutuelles santé de leur champ d’application. Si la FNIM ne soutient pas directement que c’est avec la complicité de la FNMF que l’exécutif français a inclus ces mutuelles dans le champ d’application de la directive, certains de ses adhérents semblent pouvoir le penser en coulisses. Dans tous les cas, la FNIM a saisi depuis plusieurs mois l’ACPR sur sa divergence d’interprétation. Cette saisine a donné lieu à plusieurs courriers sur lesquels la FNIM a voulu s’appuyer pour saisir le Conseil d’Etat dans un recours en excès de pouvoir contre l’ordonnance.
Dans la pratique, la manoeuvre s’est avérée risquée, puisque le Conseil d’Etat ne peut connaître directement d’un recours contre une loi. Seul le Conseil Constitutionnel en a la faculté.
En revanche, la FNIM devrait profiter de la publication du décret du 7 mai pour saisir le Conseil d’Etat sur son inconventionnalité par rapport à la directive. Le monde mutualiste devrait donc disposer, dans les mois à venir, d’une jurisprudence intéressante sur le respect des directives communautaires par le législateur français.