Vendredi dernier, les médecins étaient appelés à élire leurs représentants au sein des unions régionales des professionnels de santé (URPS), qui parlent en leur nom auprès des agences régionales de santé (ARS). Les résultats, publiés samedi par le ministère de la Santé, traduisent l’hostilité des médecins à l’égard des réformes gouvernementales qui les concernent.
Des apparences globalement maintenues
En 2010, les élections aux URPS n’avaient déjà pas tout à fait séduit les quelque 120000 médecins français, puisque seuls 45 % d’entre eux s’étaient déplacés aux urnes. Cette année, malgré l’enjeu de la loi Santé, la participation est encore moins à la fête : elle ne franchit même pas le seuil des 40 %. Alors que les pouvoirs publics auraient plus que jamais besoin d’interlocuteurs fiables au sein du corps médical, la légitimité des représentants aux URPS décline encore, atteignant un niveau qui susciterait presque la condescendance des “conseillers départementaux” récemment élus par les Français. Mais qui, en France, se soucie encore de la participation aux élections ?
Après tout, les grands équilibres sont maintenus : les sortants triomphent ! Tous collèges confondus, la confédération des syndicats médicaux français (CSMF) se maintient en tête, avec 25,4% des suffrages exprimés. Chez les généralistes, MG France, classé “à gauche”, conforte sa première place, avec 31,3 % des voix – soit 2 points de plus qu’en 2010. Du côté des chirurgiens, des anesthésistes et des gynécologues-obstétriciens, le syndicat “le Bloc” accentue son avance de plus de 8 points par rapport à 2010, à 66,8%. Enfin, parmi les autres spécialistes, la CSMF demeure l’organisation de référence, recueillant 40,7% des suffrages. Voici pour les apparences.
Un fort niveau de mécontentement chez les médecins
Ces dernières ne sauraient pourtant masquer le réel enseignement de ces élections : la poussée des syndicats dont l’opposition à la loi Santé est la plus virulente, à savoir la fédération des médecins de France (FMF) et le syndicat des médecins libéraux (SML). Tous collèges confondus, la FMF est passée de la quatrième à la deuxième position, à 22,7 %. Dans le détail, c’est chez les généralistes que la FMF connaît une forte progression, de plus de 9 points, au détriment de la CSMF, devenant ainsi la seconde organisation du collège. Pour sa part, le SML fait un bond chez les autres spécialistes, où il réalise près de 29 % et profite donc largement de la baisse de 10 points de la CSMF.
Au moment d’analyser ces résultats, la CSMF et son président, Jean-Paul Ortiz, ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. Tout en se félicitant de demeurer le premier syndicat “en voix et en élus”, ils ont déploré le “fort vote contestataire” qui s’est exprimé en faveur de “syndicats poujadistes sans propositions”. A la différence de la CSMF et de MG France, qui revendiquent une réécriture de la loi Touraine, la FMF et le SML en demandent en effet le retrait pur et simple. Confortée par les urnes, la FMF a eu beau jeu de défendre son programme, “qui n’est ni poujadiste ni populiste”, mais qu’elle décrit comme étant fondé “sur l’expérience de terrain des médecins en exercice”. “Expérience de terrain” ? De bien gros mots par les temps qui courent !
Des sueurs froides en perspective du côté de l’Avenue Duquesne
Peu avare de commentaires, la ministre de la Santé s’est contentée de prendre acte de ces résutats électoraux – le contraire aurait, certes, été étonnant – et de rappeler, en des termes généraux sinon vagues, les grandes lignes de sa politique de santé. Durant les mois qui viennent, Marisol Touraine ne pourra toutefois pas jouer indéfiniment cette partition. Galvanisés par leurs succès électoraux, les syndicats contestataires n’ont aucune raison de baisser la garde. Ils pourraient initier une radicalisation des mouvements de grogne des médecins. Soucieux de ne pas se faire piéger, les réformistes n’auraient guère d’autre choix que de suivre cette contestation qui s’amplifierait.
Ce climat général n’est sûrement pas de nature à rendre sereines les négociations conventionnelles relatives au tarif des consultations, qui doivent se tenir à compter de février 2016 entre les représentants des médecins et l’Assurance Maladie. Alors que les finances de la CNAM ne sont pas au beau fixe, on imagine mal les tenants de la ligne dure se satisfaire de revalorisations minimales. Entraînant avec eux la CSMF et MG France, qui expriment régulièrement et bruyamment leurs exigences dans ce domaine, la FMF et le SML pourraient bloquer les discussions. Décidément, rien ne va plus entre le ministère de la Santé et les médecins français !