Alors que, dans le sillage de la grève des salariés des raffineries de pétrole, une journée de mobilisation sociale nationale et interprofessionnelle a lieu ce mardi 18 octobre sur le thème des salaires, la question mérite d’être posée de sa portée exacte.
Si l’exécutif semble tenter de minimiser cette portée, il convient pourtant de considérer l’hypothèse selon laquelle la mobilisation ne constitue que la pointe de l’iceberg d’une exaspération sociale bien plus générale.
Un mouvement social en quête d’extension
L’information n’aura pas échappé à grand monde : aujourd’hui est une journée de grèves et d’actions interprofessionnelles pour la hausse des salaires et la défense du droit de grève, initiée par la CGT, FO, Solidaires et la FSU. A cette occasion, les salariés issus de bien d’autres secteurs d’activité que celui du pétrole vont pouvoir faire entendre leur voix sur le thème, sensible en cette période de nette progression de l’inflation, des rémunérations et du pouvoir d’achat. Des salariés de l’énergie, des transports publics, de l’éducation nationale, de la fonction publique, des établissements de santé, devraient, notamment, venir gonfler les cortèges syndicaux.
La France, toujours en partie paralysée par le mouvement des raffineurs, fait ainsi face au risque d’une extension de la conflictualité sociale ouverte à d’autres professions stratégiques.
Pour l’exécutif, une mobilisation minoritaire
Commentant ce tournant pris par l’actualité sociale, le gouvernement a surtout, ces derniers jours, paru insister sur le caractère minoritaire de la mobilisation. Ainsi, Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des Finances, a déclaré hier que la grève des salariés CGT du pétrole était rendue “inacceptable et illégitime” par l’existence d’un accord majoritaire sur les salaires chez TotalEnergies. “Notre pays a besoin de fermeté et d’autorité” a-t-il rajouté, ne craignant pas de rajouter de l’huile sur le feu. Un peu moins raide sur la forme, Elisabeth Borne, la Premier ministre, n’en a pas moins campé une position similaire sur le fond, appelant la CGT à “respecter l’accord majoritaire” chez TotalEnergies et à cesser son mouvement dans les raffineries.
A l’analyse, cette tendance de l’exécutif à pointer du doigt le mouvement de la CGT pétrole n’apparaît pas seulement être un moyen de la désigner à la vindicte populaire mais, également, de faire comme si le mouvement de grogne sociale était en réalité limité à une poignée de syndicalistes jusqu’au-boutistes d’une profession bien déterminée. Le fait que les prévisions de circulation à la SNCF ou dans les transports urbains ne portent pas sur une paralysie de ces réseaux ne vient-il pas, d’ailleurs, conforter cette analyse de la situation ?
Une profonde exaspération sociale
En réalité, pourtant, elle semble profondément erronée. S’il est vrai que les secteurs d’activité qui sont mobilisés aujourd’hui comptent parmi ceux qui sont traditionnellement à la pointe de la mobilisation sociale, encore convient-il toutefois de préciser que c’est sans nul doute uniquement parce qu’ils ne peuvent pas du tout se le permettre que beaucoup de salariés ne viendront pas grossir les rangs des cortèges. Quiconque côtoie chaque jour le pays réel ne peut que constater que l’exaspération sociale, qui y était déjà très profonde – ainsi qu’en témoignent les résultats des récents scrutins électoraux – ne fait que s’accroître, pour diverses raisons : inflation, succession des “crises”, inquiétudes sur l’énergie, insécurité culturelle, en particulier.
En somme, sauf à passer à côté de l’essentiel des éléments de compréhension de cette journée de mobilisation, son analyse ne saurait se résumer à une étude, fût-elle approfondie, des chiffres du nombre des participants aux défiles syndicaux dans les rues. Ces défilés ne constituent, en effet, que la pointe de l’iceberg de la colère sourde du pays.