Les assureurs et autres initiés n’ont pas été surpris par l’annonce d’un rapprochement entre la CNP et la Poste, qui faisait partie de la feuille de route d’Eric Lombard lors de sa nomination à la tête de la Caisse des Dépôts. L’annonce de cette opération par Bruno Le Maire confirme toutefois les intentions d’Emmanuel Macron de disposer d’un groupe public industriel spécialisé dans l’assurance vie et doté de son propre réseau de distribution. Le groupe devrait constituer un bon rempart pour l’achat de dettes publiques.
On se souvient que le choix d’Eric Lombard pour diriger la Caisse des Dépôts était étroitement lié au rapprochement de la CNP avec la Poste. L’opération devrait se faire désormais, coiffée par la Caisse des Dépôts qui deviendra l’actionnaire de référence de la poste. On avait pu penser un moment que la CNP tomberait dans l’escarcelle de la Poste sans contrepartie. Finalement, si la Poste absorbe la CNP, la Poste est absorbée par la maison mère de la CNP. Ce chassé-croisé assez typique du capitalisme français de collusion, permet à l’Etat de disposer d’un navire amiral portant le risque de l’assurance-vie et doté de son propre réseau de distribution.
La CNP disposera enfin de son réseau
On se souvient des fâcheries entre Natixis et la CNP sur la distribution des contrats d’assurance-vie. A l’époque, chacun avait pu vérifier la fragilité d’un assureur qui ne dispose pas d’un réseau propre de distribution pour ses produits. Assez logiquement, les pouvoirs publics se devaient de réagir en dotant la CNP, véritable usine à assurance-vie, des moyens de son développement. C’est désormais chose faite.
Pour l’Etat, cette opération n’est pas sans enjeu, puisque la CNP figure parmi les 10 premiers détenteurs de la dette souveraine. Dans un univers incertain où les taux pourraient rapidement remonter, le recours à un acteur public capable de soutenir le gouvernement dans un moment critique n’est pas absurde.
La Poste enfin dotée d’un projet industriel solide?
Parallèlement, le montage en cours dote la Poste d’un projet industriel solide, dont on suivra les contours avec intérêt.
A coup sûr, la Banque Postale devrait profiter de cette occasion pour changer de taille et améliorer à la fois sa rentabilité et son produit net bancaire. Toute la question est de savoir si, au-delà de la Banque Postale, la Poste elle-même retirera des bénéfices durables de cette opération. En l’état, ce volet ne semble pas poser de problème à Bruno Le Maire. On s’étonnera quand même qu’une simple décision politique sans appel d’offres européen permette à la Poste de redevenir le bras armé d’une structure bancaire privée…
Bruno Le Maire veut recréer un “pôle financier public” au service des collectivités
La communication de Bruno Le Maire sur le sujet ne manque en effet pas de troubler les esprits. Le ministre s’est déclaré favorable à la création d’un “grand pôle financier public au service des territoires”. Une fois de plus, Bruno Le Maire, qui semble découvrir l’entreprise, imagine qu’une banque puisse être au service d’un objectif politique. Des catastrophes financières en série s’annoncent.
Surtout, on peine à voir en l’état en quoi ce pôle pourrait compenser la diminution du courrier dans les centres de tri. A moins que le ministre imagine transformer les facteurs en marchands d’assurances. C’est une option, redisons-le, mais qui risque de soulever quelques sérieux problèmes au regard du droit de la concurrence.
Les rocardiens à la manoeuvre
Enfin, on notera que les acteurs du dossier appartiennent à la gauche rocardienne. Eric Lombard, patron de la Caisse des Dépôts, est un ancien conseiller sous Rocard, en 1989. Il fit ensuite un pasage au cabinet de Michel Sapin, notamment à Bercy dans les années 90. Philippe Wahl, patron de la Banque Postale, fut pour sa part directeur de cabinet de Tony Dreyfus, alors ministre délégué auprès de Michel Rocard.
Près de trente ans plus tard, ce petit monde se retrouve sous les auspices d’Emmanuel Macron pour restructurer la finance d’Etat.