La Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a publié, le 16 novembre 2016, un rapport sur la proposition de loi visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire.Le rapporteur, Philippe Vigier, préconise la mise en œuvre d’importantes mesures pour lutter contre la désertification médicale.
Une gestion régionalisée de la formation des médecins
Le rapport souligne que « les études de médecine sont quasi-exclusivement tournées vers le milieu hospitalier et ne permettent pas, sauf exception, aux étudiants de découvrir la pratique de la médecine de premier recours, ancrée dans des territoires. ».
La proposition de loi visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire entend y remédier. La proposition de loi prévoit, notamment, une meilleure prise en compte des besoins de santé de chaque territoire dans la fixation et la répartition du numerus clausus. L’article 1er de la proposition de loi attache à cette prise en compte un caractère obligatoire. Selon cet article, la fixation et la répartition du numerus clausus doivent contribuer pleinement à la résorption des inégalités en matière d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire.
L’article 3 de la proposition de loi prévoit une autre mesure phare : l’organisation d’épreuves classantes au niveau régional. Il s’agit de substituer aux épreuves classantes nationales, des épreuves classantes régionales ouvertes uniquement aux étudiants ayant validé leur deuxième cycle d’études médicales dans la même région.
Un passage obligé en zones sous dotées au cours des études médicales
L’article 2 de la proposition de loi énonce une obligation d’effectuer un stage pratique d’au moins douze mois dans une maison de santé pluridisciplinaire ou un établissement de santé implanté dans une zone qui enregistre un déficit en matière d’offres de soins. Cette obligation concerne les étudiants en troisième année du troisième cycle d’études médicales.
Ce stage se substituerait à la troisième année du troisième cycle et ne rallongerait pas, par conséquent, la durée des études.
Une obligation d’installation en zone sous-dotée pendant trois ans à l’issue du cursus
Il n’existe, aujourd’hui, que des mesures incitatives à l’égard des médecins pour favoriser leur installation en zone sous-dotée. Le rapporteur considère que la mise en place de mesures « plus volontaristes » est nécessaire.
L’article 6 de la proposition de loi énonce que tout médecin désireux d’exercer ses fonctions à titre libéral doit, à l’issue de sa formation, s’installer pour une durée minimale de trois ans dans une zone géographique dans laquelle le niveau de l’offre de soins de premier recours est insuffisant pour répondre aux besoins de la population.
Pour justifier cette mesure, très contraignante, le rapporteur cite l’exemple des pharmaciens d’officine pour qui la liberté d’installation n’existe pas et dont le régime d’installation est très encadré par le Code de la santé publique en fonction de la population de la commune concerné.
Le rapporteur considère qu’aucun principe constitutionnel ne s’oppose a priori à ce qu’un encadrement fondé sur des critères géographiques puisse être apporté par la loi au régime d’installation des médecins libéraux.
Cependant, la mesure prévue à l’article 6 de la proposition de loi ferait peser une obligation très contraignante sur les jeunes médecins. En outre, la question de la conformité d’une telle mesure à la liberté d’installation pourrait être soulevée devant le Conseil constitutionnel.
Un régime d’autorisation d’installation géré par les agences régionales de santé
L’article 7 de la proposition de loi veut mettre en place un dispositif d’autorisation d’installation pour l’exercice de la profession de médecin.
Le directeur de l’agence régionale de santé (ARS) aurait la tâche de se prononcer sur les autorisations sur la base de critères de densité médicale. Il pourra également fixer les distances minimales entre cabinets, comme c’est le cas pour les pharmacies d’officine.
Le rapporteur souligne que le but de cette mesure n’est pas de remettre en cause l’exercice libéral de la médecine mais plutôt de justifier l’effort financier de la collectivité aux besoins des français.
Toutefois, malgré les propos rassurants du rapporteur, on en peut ignorer qu’une telle mesure aura des conséquences sur le principe de l’exercice libéral de la médecine. En outre, des sanctions sont prévues : un médecin qui ne respecterait pas ces dispositions, serait déconventionné par l’assurance maladie. Il ne pourra pas être conventionné dans les zones sur-dotées définies par les ARS.
L’utilisation de divers outils pour lutter contre la désertification médicale
La proposition de loi prévoit d’allonger la durée d’activité des médecins en encourageant le cumul emploi-retraites. Le rapport explique cette mesure en se basant sur des projections de la démographie médicale. Ces projections révèlent un infléchissement du nombre de médecins dans les prochaines années, jusqu’en 2020.
Pour pallier à cette perspective, la proposition de loi souhaite favoriser l’allongement de la durée d’activité des médecins.
Toutefois, le rapporteur se montre dubitatif quant à la contribution des médecins « retraités-actifs » dans la lutte contre a désertification médicale. En effet, près d’un tiers, de ces médecins sont concentrés en Ile-de-France. L’article 4 de la proposition de loi vise à inciter les médecins retraités-actifs à aller exercer en zones sous-dotées.
Parmi les autres mesures de la proposition de loi visant à lutter contre la désertification médicale figure le recours à la télémédecine. En effet, l’article 12 de la proposition de loi incite les professionnels de santé à favoriser le développement de la télémédecine. Le rapporteur reste cependant conscient des difficultés qui découlent d’une telle mesure : l’émiettement des prestataires de services, les retards dans la mise en place du dossier médical personnel ou encore, des obstacles financiers et juridiques.
La proposition de loi visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire est toujours en discussion devant la Commission des affaires sociales. Cette dernière examinera, le 24 novembre 2016, les amendements à la proposition de loi.
L’intégralité du rapport est consultable ci-après.