Cet article a été initalement publié sur le site de l’organisation UPA.
« Une loi de financement de la sécurité sociale, c’est la définition d’une politique, d’un cap. C’est l’affirmation d’une ambition ».
C’est ainsi que Madame la Ministre des affaires sociales a débuté son intervention lors de la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale jeudi dernier. On ne peut a priori que partager ses propos. On peut les partager pour autant que cette volonté trouve sa traduction concrète dans les faits.
Or, la présentation de ce projet de loi s’apparente plus à un exercice d’autosatisfaction qu’à la véritable démonstration d’une ambition. Il est exact qu’entre 2011 et 2015 le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse -FSV- a diminué de plus de 8 milliards d’euros.
Le Gouvernement prévoit de ramener ce déficit sous la barre des 10 milliards en 2016. Si la situation s’améliore, ou plus précisément est moins dramatique qu’elle n’a été si l’on se rappelle qu’en 2010 le déficit culminait à près de 30 milliards d’euros, n’oublions pas que depuis environ quinze ans, la sécurité sociale est dans le rouge sans interruption. Cette permanence des déficits sociaux et le gonflement de la dette sociale qui en résulte conduisent à tempérer tout enthousiasme hâtif.
Le déficit de la sécurité sociale, s’il continue de se réduire s’inscrit toujours à un niveau élevé avec une composante structurelle importante. Par ailleurs, l’amélioration du solde du régime général résulte d’évolutions contrastées selon les branches.
La branche retraite voit son déficit se réduire en 2015. Le Gouvernement annonce que la CNAV devrait revenir à l’équilibre en 2016. Cette amélioration est essentiellement due à la non revalorisation des pensions au 1er octobre du fait de la décélération de l’inflation, à la montée en charge du relèvement de 60 à 62 ans de l’âge légal de départ en retraite et des hausses de taux de cotisation consécutives au décret du 2 juillet 2012 et à la loi du 20 janvier 2014 . Mais les effets de ces facteurs n’ont aucun caractère pérenne.
Sans nouvelles mesures, la loi de 2014 n’empêchera pas la réapparition de nouveaux besoins de financement. En outre, cette présentation de la situation oublie un peu vite que le déficit cumulé de la branche retraite du régime général et du FSV est quasiment inchangé entre 2014 et 2015 et que le solde du FSV ressort à -3,8 milliards d’euros. Qui plus est les chiffres du chômage du mois d’août n’augurent rien de bon sur l’état de ce solde.
De son côté la branche maladie voit sa situation se dégrader avec une progression des dépenses en 2015 alors même que l’ONDAM a été respecté pour la sixième année consécutive. Pour 2016 la progression de l’ONDAM est fixée à 1,75%. Cela semble pour le coup ambitieux. Le gouvernement pour y parvenir compte mobiliser quatre axes structurants dont la lutte contre le gaspillage. Si sur le principe nous partageons l’objectif, il ne faut cependant pas se tromper de cible.
Lorsque l’on vise les transports sanitaires, comme le fait le gouvernement, nous mettons en garde non seulement contre un acharnement sur des professions qui ont déjà à faire face à des concurrences déloyales, mais aussi et surtout sur le risque pour bon nombre de français de ne plus avoir un accès aux soins.
De plus il serait nécessaire d’avoir une réflexion plus globale sur ces sujets. En effet, la diminution indispensable du coût de l’hospitalisation génèrera inévitablement un accroissement du transport sanitaire.
Au rang des satisfactions, quand même, la branche accidents du travail-maladies professionnelles qui est excédentaire, comme les exercices précédents. C’est le fruit d’une gestion responsable des partenaires sociaux dans le cadre d’une gouvernance paritaire. Cette situation excédentaire est d’autant plus à souligner que les charges ont tendance à progresser en raison notamment de transferts, en particulier celui à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail, dont nous continuons de contester le bien-fondé.
La branche famille voit aussi son déficit se réduire sous l’effet des mesures d’économie, en particulier la modulation des allocations familiales, ou de la désinflation qui a eu pour résultat une faible croissance de la masse des prestations familiales versées. Ce projet de loi contient peu de dispositions relatives à la branche famille. En tout cas peu ayant des incidences sur son fonctionnement. Cette pause permettra de faire face à la mise en œuvre de mesures déjà votées, comme la prime d’activité.
Concernant le RSI, la réforme du barème des cotisations « minimales », la réduction du délai de carence à 3 jours pour les arrêts maladie de plus de 7 jours, à l’image de ce qui existe pour les salariés, sont de nature à améliorer la couverture des travailleurs indépendants. Pour autant, reste à traiter l’amélioration du fonctionnement et de la qualité de service du RSI et de l’ISU. Nous serons attentifs aux suites données aux propositions VERDIER-BULTEAU ou celles du CESE.
Nous prenons acte avec satisfaction de la reprise de dette qui sera réalisée par la CADES qui permettra un transfert des déficits accumulés à l’Acoss, dont ce n’est pas la mission. Cette accumulation de dette sociale de court terme à l’Agence centrale avec une exposition à un risque de taux d’intérêt de court terme n’était plus soutenable. Il est primordial en tout état de cause que l’extinction de la dette sociale se fasse d’ici à son terme prévu en 2024.
Il nous revient d’assumer nos responsabilités et non les reporter sur les générations futures. La rationalisation des dispositifs d’exonération zonée au bénéfice des allègements généraux de cotisation, demande récurrente de l’UPA, trouve enfin sa traduction dans ce projet de loi. Nous en prenons acte positivement.
Comme nous actons de façon positive la mesure tendant à mieux proportionner les redressements faisant suite à une mauvaise application de la législation relative à la prévoyance collective. Ce projet de loi met en œuvre avec son article 6 la deuxième étape du Pacte de responsabilité avec l’extension en 2016 de la réduction du taux de cotisations d’allocations familiales aux rémunérations comprises entre 1,6 et 3,5 Smic, avec l’assurance de la compensation par les lois financières pour 2016 du coût pour la sécurité sociale.
Nous aurions donc pu nous montrer pleinement satisfaits sauf que la mise en œuvre de cette extension va se faire avec 3 mois de retard par rapport à la date initialement prévue. Ce glissement du 1er janvier au 1er avril doit permettre de financer les incitations à l’investissement décidées en avril dernier et les mesures d’emplois dans les TPE-PME.
Cette politique de « passe-passe » n’est pas acceptable. Au total, la copie est insuffisante et ne permet nullement un quelconque optimisme béat sur la trajectoire de retour à l’équilibre de nos comptes sociaux. En dépit d’une réduction du déficit global, la marche à gravir pour atteindre cet équilibre durable est encore très haute. L’équilibre des comptes ne peut passer que par des efforts plus ambitieux sur la maîtrise des dépenses, en particulier pour l’assurance maladie.
Ce n’est pas parce que certains indicateurs conjoncturels semblent s’améliorer qu’il faut relâcher l’effort. C’est justement lorsque l’environnement économique rebondit qu’il faut redoubler de détermination, ce qui fait défaut à ce projet de loi.
En conséquence, l’UPA émet un avis défavorable sur ce projet de loi.