La généralisation de la complémentaire santé au 1er janvier 2016 a entrainé une vague de signatures d’accords collectifs. Ces accords signés par les partenaires sociaux posent sur papier le cadre de la mise en oeuvre des régimes de complémentaire santé collective dans les entreprises. Mais ces accords sont parfois imparfaits et il arrive que des lacunes soient constatées et que des incohérences s’y trouvent. Dans de telles situations, quelle est la marge de manoeuvre de l’organisme assureur face aux dispositions négociées par les partenaires sociaux ?
L’organisme assureur tenu par l’accord de branche en santé
Par la signature des accords collectifs en santé, que cela soit au niveau de la convention collective ou de l’entreprise, les partenaires sociaux peuvent prévoir des dispositions précises dérogeant positivement aux dispositions légales et réglementaires.
Il n’est pas rare qu’un accord de branche se contente de reprendre les textes de loi (panier minimum de soins, cas de dispenses d’adhésion, critères responsables, modalités de révision de la mutualisation, mise en oeuvre de la solidarité…) en les remaniant légèrement. Les organismes assureurs doivent se référer à ces dispositions négociées pour proposer aux entreprises concernées un régime conforme à l’accord.
Dans certains cas, les organismes assureurs peuvent s’appuyer sans crainte sur les accords collectifs. Mais ils ne doivent pas oublier que si le respect de la volonté des partenaires sociaux est nécessaire, celle-ci ne doit pas aller à l’encontre de ce que prévoit la loi. C’est une difficulté que les organismes assureurs doivent surmonter car la conformité au panier minimum de soins ou aux critères responsables est primordiale dans certains cas. Or, il est fréquent que des accords santé précisent qu’ils sont conformes aux critères responsables tout en proposant un tableau de garanties incomplet… Il en va de même avec la condition d’ancienneté qui est encore prévue par plusieurs accords (notamment celui des acteurs du lien social et familial) alors que la réforme précise bien que tous les salariés doivent être couverts par le régime collectif en santé dès leur entrée dans l’entreprise.
L’organisme assureur a alors une double mission : proposer un contrat à l’entreprise tout en suivant l’accord collectif et prendre garder à ne pas aller à l’encontre des dispositions en vigueur.
L’employeur face aux partenaires sociaux et à l’organisme assureur
La prolifération des accords en santé a fait tourner la tête à de nombreux organismes assureurs en ce début d’année. Si les bouchées doubles ont été mises pour s’y conformer, il n’est pas impossible que des contrats conformes à la volonté des partenaires sociaux mais non conformes à certaines dispositions légales aient été conclus.
Dans ce cas, l’employeur peut être mis face à ses responsabilités et mis en cause par ses salariés pour ne pas avoir proposé un contrat correspondant à la loi. L’employeur dispose alors de deux types d’interlocuteurs vers qui se tourner : son organisme assureur mais aussi la ou les fédérations patronales qui ont négocié l’accord collectif.
Il pourra être reproché à l’organisme assureur, ou le cas échéant au courtier, de ne pas avoir rempli son devoir de conseil. Il est difficilement concevable de penser que l’organisme assureur puisse se défendre en arguant du strict respect de l’accord collectif alors qu’il n’est pas censé ignorer la loi. Mais l’employeur peut aussi se retourner contre la ou les fédérations patronales qui n’ont pas su conclure d’accord santé compatible avec les dispositions légales. En effet, les partenaires sociaux ne peuvent pas, impunément, proposer des accords incomplets ou incompatibles avec la loi, en se cachant derrière la mission de conseil de l’organisme assureur qui, lui, engage sa responsabilité. Il revient aux employeurs de réclamer plus de droiture et de rigueur de la part des organisations patronales qui les représentent.
Malheureusement pour les organismes assureurs, ce sont eux qui demeurent en première ligne si un contrat conforme à l’accord collectif contrevient à certains dispositifs légaux. La responsabilité des partenaires sociaux reste à déterminer et la légèreté avec laquelle certains accords semblent être conclus mériterait d’être examinée de plus près.