Lombard à la Caisse, la CNP à la Poste

Après un long suspense, de plusieurs mois, le choix d’Emmanuel Macron s’est porté sur Éric Lombard pour diriger la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Cette nomination très politique est une opération à tiroirs qu’il est intéressant d’analyser pied à pied. Elle annonce une mutation en profondeur de La Poste. 

 

Un financier à la tête d’une institution financière

Techniquement, la personnalité d’Éric Lombard est indiscutable pour exercer la fonction. Cet ancien président de Generali France et ancien patron de la filiale assurances de la BNP est en effet un parfait connaisseur du monde financier et de ses institutions. Par rapport à son direct prédécesseur Lemas, on peut même considérer qu’il s’agit d’une nomination non politique, qui privilégie la compétence technique à l’entregent dont le capitalisme français raffole.  

On notera toutefois que, dans la palette financière de Lombard, la connaissance de l’assurance, et singulièrement de l’assurance-vie domine. C’est une première indication sur le poids que l’adossement de la CNP à la Poste devrait occuper dans la feuille de route du nouveau directeur général. 

 

L’influence de la Poste?

Comme l’a signalé le Figaro, la Poste, et singulièrement la banque postale, ont obtenu un accord de principe sur l’absorption d’une filiale de la Caisse des Dépôts: la bien-connue Caisse Nationale de Prévoyance devenue CNP Assurances. Ce bastion de l’assurance-vie et cet excellent souscripteur de dette française est en effet prisonnier d’un modèle sans réseau de distribution.  

Longtemps, la Poste en a distribué les produits contre espèces sonnantes et trébuchantes. On mesure tout de suite l’intérêt réciproque qu’une fusion entre les deux entités peut représenter.  

Pour la Poste, en effet, l’absorption de la CNP est une excellente opération en termes de solidité financière et de captation de l’épargne. Le président de la Poste, Philippe Wahl, peut se frotter les mains. 

 

Une opération entre gens qui se connaissent déjà

On peut imaginer que le fameux Philippe Wahl n’a donc pas dû dire de mal de la candidature d’Éric Lombard ni dans les salons ni sous les lambris de la République. Les deux hommes se sont en effet croisés à la BNP. Entre 1997 et 1999, Philippe Wahl fut en effet membre du comité exécutif de Paribas, banque que Lombard a rejointe après un passage au cabinet de Michel Sapin au début des années 90.  

D&E a signalé qu’à cette époque, la directrice de la communication de Paribas à cette époque était une certaine Raphaële Rabatel. L’intéressée avait ensuite suivi Philippe Wahl à la Caisse d’Épargne. Il se trouve qu’à la ville, elle n’est autre que Mme Gilles Le Gendre, conseiller d’Éric Lombard à Generali et président de la commission de surveillance de la Caisse.  

Au passage, Gilles Le Gendre aurait saisi la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique sur sa propre situation et sur sa compatibilité avec les règles en matière de déontologie. 

 

Un cadeau aux sapinistes et au centre gauche?

Au-delà de cet entrelacs traditionnel dans nos processus de nomination, on rappellera les autres activités d’Éric Lombard. Ancien du cabinet Sapin et, dit-on, resté proche de l’ancien ministre des Finances, le nouveau directeur général de la Caisse est aussi un Gracque, dont le président est aussi président de la Fédération Française de l’Assurance.  

De là à déduire que Macron tend, ce faisant, un geste à l’ancienne équipe, il n’y a qu’un pas, à mettre en relation avec les déclarations plutôt tendres récemment faites par le Président à l’endroit de Michel Sapin et de son action contre les paradis fiscaux. Dans tous les cas, la nomination de Lombard permet aux “rocardiens” (étiquette commode pour regrouper les adeptes d’un libéral-socialisme à la française) de ne pas désespérer. S’ils sont sages, ils auront une place sous le soleil.  

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