Plusieurs mesures importantes ont été prises par l’Assemblée Nationale pour accroître les prérogatives des pharmaciens. Sous réserve d’un avis définitif de la Haute-Autorité de Santé, ces professionnels de santé pourront délivrer sans ordonnance un certain nombre de nouveaux médicaments ainsi que procéder à certaines vaccinations.
L’apparition de super-pharmaciens commence à faire de moins en moins de doute. Jeudi 21 mars, les députés ont autorisé les pharmaciens à délivrer, sous certaines conditions, des médicaments sous prescription médicale obligatoire pour des pathologies bénignes comme des cystites ou certaines angines. Il s’agit de pouvoir dépanner les patients en cas de petite urgence, quand leur médecin traitant n’est pas disponible en soirée ou le week-end.
Ces ventes devront respecter un protocole mis en place par la Haute autorité de santé, après une formation et “avec une obligation de lien et d’information au médecin traitant”, a précisé Thomas Mesnier (LREM), rapporteur du projet de loi Santé en cours d’examen à l’Assemblée, à l’origine de cette proposition.
“Il n’est pas question ici de donner un droit de prescription aux pharmaciens”, a immédiatement prévenu l’élu. “Ce que nous souhaitons, c’est donner un accès aux soins supplémentaires aux Français avec la même qualité, la même sécurité pour des pathologies du quotidien comme l’angine ou la cystite, cette infection urinaire simple qui peut être traité avec une dose d’antibiotique”, a plaidé le député.
De son côté, Aurore Bergé a salué l’arrivée de cette nouveauté. Dans un tweet, elle assure que “la coercition n’est pas la solution : au contraire, ça conduira à moins de médecins installés en libéral. il faut libérer du temps médical : c’est ce que l’on fait en travaillant avec les pharmaciens pour la délivrance de certains médicaments.”
Parallèlement, les pharmaciens ont aussi reçu le pouvoir de prescrire des vaccins. Une prérogative qui sera aussi valable pour les sages-femmes. Si la mesure ne semble pas faire débat lorsqu’elle concerne les pharmaciens, elle semble être beaucoup moins bien reçue lorsqu’elle concerne les sages-femmes. La Haute-Autorité de Santé devra rendre sa décision définitive dans le courant de l’année 2019.
“Le risque d’une médecine à deux vitesses” ?
Le député communiste Jean-Paul Lecoq a réclamé le retrait du texte évoquant “le risque d’une médecine à deux vitesses”, mais sans être suivi. “Avec ce glissement des tâches entre médecins et pharmaciens, nous craignons que la médecine de droit commun ne soit réservée aux mieux lotis, ceux qui habitent dans les bons endroits, tandis que les citoyens relégués n’auront droit qu’à une médecine dérogatoire”, a-t-il dénoncé. Mêmes réserves pour le député LR Jean-Pierre Door, qui estime que “la prescription sans acte médical pose question”.
Cette disposition est inspirée du système suisse “Net Care”, ainsi que d’expérience québécoises et écossaises permettant aux pharmaciens de dispenser des produits de santé de premier secours pour des situations simples en suivant des arbres de décision bâtis entre pharmaciens et médecins. La ministre de la Santé Agnès Buzyn a promis de s’employer “à trouver un consensus entre pharmaciens et médecins, car nous n’avons pas pu, faute de temps, avoir une concertation sur le sujet”. Elle a reconnu qu’il fallait encore “du travail pour que tout le monde soit confortable avec cette délivrance de médicaments”.