Passera? passera pas? la mobilisation contre la loi El-Khomri ce mercredi n’a pas permis de trancher l’orientation à suivre durant les prochains jours sur les modifications à apporter au texte. C’est peut-être le pire piège pour le gouvernement: la tentation est forte de s’engager sur une voie dangereuse.
Combien de manifestants contre la loi El-Khomri?
Comme à l’accoutumée, le nombre exact de manifestants contre la loi El-Khomri n’a pas fait l’unanimité. Il est néanmoins très probable que ce chiffre soit de plusieurs dizaines de milliers de personnes, et probablement de quelques centaines de milliers sur l’ensemble du territoire.
C’est à la fois beaucoup et trop peu. Beaucoup pour ne pas se dire qu’il existe aujourd’hui un risque de radicalisation du mouvement. Personne ne peut en tout cas affirmer que ce mouvement est en échec. Trop peu toutefois pour que le gouvernement renonce, à ce stade, à avancer et à poursuivre son intention de négocier pour faire passer le texte.
Une mobilisation en trompe-l’oeil
L’inconvénient du mouvement tient à l’absence relative des salariés du privé en son sein. La journée de mercredi a marqué les esprits par la grève des transports publics qui n’a rien à voir avec la loi El-Khomri. Les défilés ont rassemblé beaucoup d’étudiants. En revanche, le mouvement n’accroche que très peu dans la population la plus concernée par la loi elle-même.
Cette réalité sociologique peut évidemment convaincre le gouvernement de l’intérêt de poursuivre sa démarche. Après tout, rien n’a prouvé mercredi que l’opinion publique était totalement hostile au texte. Elle peut constituer un piège, car personne ne sait de quel côté de la balance les salariés du privé pencheront si la situation devait s’envenimer.
Une victoire partielle du gouvernement
Pour le gouvernement, la situation n’est pourtant pas aussi négative qu’on ne le dit. Dans la pratique, la reprise en main de la communication sur le texte par Manuel Valls a permis de limiter le débat aux deux ou trois mesures emblématiques dont l’importance n’est pas négligeable, mais demeure marginale par rapport aux ambitions du texte. En dehors du plafonnement des indemnités de licenciement et de la définition du licenciement économique, le texte suscite en effet peu de débats.
De ce point de vue, le gouvernement peut avoir le sentiment que la victoire est à sa portée. Au fond, la loi est assez peu discutée, et les blocages ne portent que sur la “périphérie” du texte. Selon toute vraisemblance, un parcours de négociation avec les seuls partenaires sociaux devrait permettre de déboucher sur un accord satisfaisant pour l’ensemble.
Reste l’inconnue du “mouvement social” qui pourrait perturber ce bel ordonnancement. Rien n’exclut aujourd’hui que la situation dérape et que la rue ne bouscule le rapport de force.
Les jours à venir permettront de mesurer le degré de ras-le-bol de l’opinion vis-à-vis d’un texte emblématique d’une politique fortement délégitimée.