L’obligation de prévention des risques concerne aussi les salariés des sous-traitants

Cet article provient du site du syndicat CFDT.

 

Afin de faire respecter l’obligation de prévention des risques à l’égard des salariés du centre d’appel d’une entreprise sous-traitante, le CHSCT de l’entreprise donneuse d’ordre a intenté une action en justice. En l’état des textes applicables, le CHSCT de l’entreprise donneuse d’ordre est-il compétent pour faire respecter l’obligation de prévention par l’entreprise sous-traitante? La Cour de cassation en a décidé ainsi. Cass.soc. 7.12.16, n°15-16769. 

• Faits, procédure, prétentionsDans cette affaire, une société de services (Euriware) exploitait une activité d’assistance téléphonique et technique destinée aux utilisateurs de matériels informatiques de la société Areva. Toutefois, cette activité avait été confiée, pour l’essentiel, à une autre société (Proservia) dans le cadre d’un contrat de prestation de services.A la suite du suicide d’un des salariés de la société Proservia et du dépôt d’un rapport d’expertise, le CHSCT de l’établissement Ouest de la société Euriware a décidé d’assigner tout à la fois la société Euriware et la société Proservia devant le tribunal de grande instance. Le CHSCT demandait la suspension des objectifs fixés aux salariés en termes de taux de décroché, de résolution et d’intervention, ainsi que la modification des espaces de travail. En outre, selon le CHSCT ni l’une ni l’autre des sociétés n’avait respecté l’obligation de prévention des risques à l’égard des salariés de l’entreprise prestataire. 

En appel, les juges ont donné raison au CHSCT. D’une part, ce comité était, selon eux, recevable à agir pour protéger les salariés de l’entreprise sous-traitante, qui entraient dans son périmètre. D’autre part, comme les objectifs avaient été définis sans qu’ « aucune norme ne permette d’apprécier la pertinence du ratio retenu d’environ 13500 utilisateurs pour 48 salariés » et que le niveau d’exigence élevé des utilisateurs donnait lieu à des rappels à l’ordre individuels, les conditions de travail mettaient en péril la santé des salariés.Les sociétés Proservia et Euriware ont toutefois décidé de former un pourvoi en cassation. 

• La compétence du CHSCT étendue aux salariés du sous-traitant Devant la Cour de cassation, les sociétés faisaient valoir en substance que ni l’article L.4612-1 du Code du travail, qui définit les missions du CHSCT, ni l’article L.4111-5 du Code du travail, qui définit le champ d’application des dispositions relatives à la santé et à la sécurité, n’imposent au CHSCT d’une entreprise et au chef de cette entreprise de veiller à la santé et à la sécurité des salariés d’une entreprise sous-traitante. Par conséquent, l’action du CHSCT de la société donneuse d’ordre n’était selon eux pas recevable, faute pour les juges d’avoir constaté un lien de subordination entre la société donneuse d’ordre et les salariés du sous-traitant.S’il est vrai que, littéralement, le Code du travail semble bien avoir envisagé la compétence du CHSCT à l’égard des salariés mis à disposition au sein de l’entreprise utilisatrice, il n’en est pas ainsi s’agissant des salariés d’une entreprise sous-traitante.Selon l’article L.4612-1, 1°, du Code du travail, le CHSCT, a pour mission « De contribuer à la prévention et à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux mis à disposition par une entreprise extérieure ». 

Pourtant, la Cour de cassation donne raison aux juges du fond d’avoir accueilli les demandes du CHSCT, en procédant à une interprétation amplifiante des textes, à la lumière du droit européen : « le CHSCT est compétent, pour exercer ses prérogatives, à l’égard de toute personne placée à quelque titre que ce soit sous l’autorité de l’employeur ».A elle seule, la formulation empruntée à l’article L.4111-5 du Code du travail, qui prévoit que les dispositions relatives à la santé et à la sécurité sont applicables aux salariés, y compris temporaires, aux stagiaires, « ainsi qu’à toute personne placée à quelque titre que ce soit sous l’autorité de l’employeur », n’aurait sans doute pas pu permettre d’étendre les missions du CHSCT à la protection de la santé des salariés du sous-traitant. 

Le secours de la directive européenne 89/391/CEE du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail a donc été crucial pour élargir la compétence du CHSCT aux salariés des sous-traitant, placés « à quelque titre que ce soit sous l’autorité de l’employeur» de l’entreprise donneuse d’ordre. La Cour de cassation fait ici prévaloir les objectifs en matière de prévention des risques de santé et de sécurité sur la lettre des textes et les catégories juridiques parfois un peu étriquées. Ce faisant, elle étend la compétence des CHSCT aux salariés des sous-traitants, sans qu’il soit nécessaire de constater un lien de subordination au sens strict. 

 

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