Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT.
L’employeur doit désigner un intervenant en prévention des risques professionnels. Cet intervenant, appelé « référent » ou « responsable sécurité », est en principe un salarié de l’entreprise, puisque ce n’est qu’« à défaut », « si les compétences dans l’entreprise ne permettent pas d’organiser ces activités » que l’employeur peut faire appel à un quelqu’un d’extérieur.
Mais lorsqu’il est salarié de l’entreprise, a-t-il la possibilité de présenter sa candidature aux élections CSE ? C’est à cette question que la Cour de cassation est venue répondre récemment. Cass.soc. 19.01.22, n° 19-25.982
Le salarié qui, dans l’entreprise, est amené à jouer le rôle d’intervenant en prévention des risques professionnels peut-il voir sa candidature présentée aux élections CSE ? La question méritait d’être posée puisque :
– d’une part, après consultation du CSE(1), il est désigné par l’employeur(2) ;
– d’autre part, une fois en fonction, il assiste « avec voix consultative » aux réunions du CSE « sur les points relatifs à la sécurité et aux conditions de travail » ainsi qu’à celles – s’il y en a une – de sa Commission santé sécurité conditions de travail (CSSCT)(3).
Une élection contestée…
Dans cette affaire, un syndicat FO a présenté la candidature d’une salariée « intervenante en prévention des risques professionnels » au 3è collège du CSE de l’un des établissements de l’entreprise Eiffage.
Mais une fois élue, un syndicat CFDT construction bois a saisi le tribunal d’instance(4) afin de requérir l’annulation de cette désignation. Et ce pour une raison simple : Il considérait que l’on ne peut à la fois, au sein d’une seule et même instance, exercer des fonctions consultatives en tant qu’intervenant désigné par l’employeur et des fonctions délibératives en tant que représentant élus par les salariés.
L’argumentation se tenait. Mais elle n’a pourtant séduit ni les juges du fond, ni les juges du droit.
… mais finalement confirmée
Le tribunal d’instance, confirmé en cela par la Cour de cassation(5), a considéré que seuls « ne peuvent exercer un mandat de représentation » :
– les salariés qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ;
– les salariés qui représentent effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel ou qui exercent au niveau de l’entreprise à l’égard des représentants du personnel les obligations relevant exclusivement du chef d’entreprise.
Et les juges du droit de considérer que tel n’était pas le cas, dans le sens où l’intervenant en prévention des risques professionnels n’est amené à intervenir devant le CSE que de « façon ponctuelle » uniquement sur les questions relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail dans le seul but « d’éclairer les membres du CSE » et en ne disposant que d’une voix consultative.
Analyse et mise en perspective de la décision rendue
Cette solution peut parfaitement s’entendre. Il n’en reste pas moins que dans certaines circonstances, elle est tout de même susceptible de placer le salarié dans une situation délicate, notamment lorsque sa position en tant qu’élu sera manifestement divergente avec celle qu’il aura à tenir en tant qu’intervenant en prévention des risques professionnels.
Notons aussi que le caractère «ponctuel » de ses interventions – tel que relevé par la Cour de cassation – peut certes s’entendre s’agissant des réunions du CSE dont les ordres du jour ne font pas systématiquement apparaître des points traitant de la santé, de la sécurité et des conditions de travail. Mais ce n’est pas le cas des réunions de CSSCT dont – par nature – tous les ordres du jour entièrement consacrés à des points traitant de la santé, de la sécurité et des conditions de travail.
Notons enfin que la jurisprudence constante à laquelle la Cour de cassation s’est ici référée pour justifier sa décision est quoiqu’il en soit en sursis ! Le conseil constitutionnel a en effet considéré il y a peu que l’interdiction faite aux salariés représentant l’employeur de voter aux élections CSE n’était pas conforme à la Constitution et que l’article L. 2314-8 du Code du travail sur lequel cette jurisprudence avait fleuri devait en conséquence être réécrit d’ici le 31 octobre prochain(6).
[1] Art. R.4644-1 al. 1er C.trav.
[2] Art. L.4644-1 al. 1er C.trav.
[3] Art. L.2314-3 2° C.trav.
[4] Aujourd’hui, ce serait le tribunal judiciaire.
[5] Dans le droit fil de sa jurisprudence constante.
[6] Cons.const. 19.11.21, n° 2021-947 QPC. Cf « CSE : L’interdiction de voter des salariés représentant l’employeur n’est pas conforme à la Constitution », brève publiée le 24.11.21.