Licenciements économiques : comment uniformiser les catégories professionnelles ?

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat : CFDT

 

En cas de grands licenciements collectifs pour motif économique, lorsque l’administration est saisie d’une demande d’homologation du document unilatéral établi par l’employeur et définissant la (ou les) catégorie (s) professionnelle (s), elle doit vérifier que ces catégories « regroupent, chacune, l’ensemble des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ». Conseil d’Etat, 30.05.16, n°387798. 

  • Faits, procédure, prétentions

La FNAC Codirep, qui exploite des magasins sous l’enseigne FNAC principalement situés en région parisienne, a engagé une procédure de licenciements collectifs pour motif économique comportant l’élaboration d’un PSE. 

Un accord partiel, c’est-à-dire ne portant que sur une partie des points prévus à l’article L.1233-24-2 du Code du travail, a été signé avec les syndicats. Aussi l’employeur élabora-t-il un document unilatéral complémentaire, comme l’y autorise et l’y oblige la loi. Ce document précisait le nombre de suppressions d’emplois et la catégorie professionnelle concernée par ces suppressions. 

 

En cas de grands licenciements pour motif économique, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi peut donner lieu soit à un accord collectif signé par les organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles, soit à un document unilatéral élaboré par l’employeur, soit à un accord partiel, c’est-à-dire ne portant que sur certains points, complété par un document unilatéral. 

C’est là que le bât blesse : l’employeur avait défini la catégorie professionnelle visée par les suppressions d’emplois en se référant à un indicateur lié aux ventes sur la filière « disques », ce qui, en gros, avait pour conséquence d’écarter les vendeurs principalement affectés à la filière « livres ». 

Le comité central d’entreprise, la Fédération des services CFDT et une salariée ont donc saisi le tribunal administratif afin de contester cette définition restrictive de la catégorie professionnelle. En première instance, leur demande fut rejetée par le tribunal administratif de Melun, décision qui fut ensuite confirmée par la cour administrative d’appel de Paris, qui les débouta à son tour. 

Non contents de cette solution, les demandeurs formèrent un pourvoi devant le Conseil d’Etat. 

  • Une définition heureusement unifiée des catégories professionnelles

Le Conseil d’Etat a donc dû se prononcer sur la possibilité pour l’employeur de limiter la catégorie professionnelle aux vendeurs exerçant à titre principal dans une filière de l’entreprise. 

C’est sans ambages qu’il y a répondu par la négative, soulignant que « s’agissant des catégories professionnelles concernées par le projet de licenciement, il appartient à l’administration de vérifier qu’elles regroupent, chacune, l’ensemble des salariés qui exercent au sein de l’entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ». 

Le Conseil d’Etat reprend ici fidèlement la définition des catégories professionnelles prévalant devant la Cour de cassation depuis l’arrêt Samaritaine (1). Ce qui est heureux, puisqu’en délimitant de manière trop restrictive la catégorie professionnelle concernée (vendeurs disques, à l’exclusion des vendeurs livres), l’employeur limitait d’autant le champ d’application de l’ordre des licenciements et donc l’objectivation de la désignation des personnes visées par les licenciements. 

Ainsi que le souligne le même fameux arrêt Samaritaine « la notion de catégories professionnelles (…) sert de base à l’établissement de l’ordre des licenciements ». Plus elle est large, plus le périmètre professionnel d’application de l’ordre des licenciements l’est et moins le risque de désignation directe de personnes par l’employeur se fait jour. Après la loi Macron, qui a entériné la possibilité de prévoir, par décision unilatérale de l’employeur, un périmètre géographique d’application de l’ordre des licenciements relativement restreint (zone d’emploi), la décision du Conseil d’Etat est salutaire, car elle maintient un minimum d’exigence en terme de périmètre professionnel. 

Par ailleurs, cette solution va permettre d’éviter des conflits d’interprétation entre ordres judiciaire et administratif à travers l’obligation de reclassement. En effet, pour un même projet de licenciements, les tribunaux administratifs peuvent être amenés à se prononcer sur le plan de reclassement inclus dans le PSE, tandis que le juge prud’homal peut être saisi par un ou plusieurs salariés contestant leur licenciement ; or, point de cause réelle et sérieuse si l’obligation individuelle de reclassement n’a pas été respectée… 

La définition de la catégorie professionnelle est également déterminante pour la mise en œuvre du reclassement. Aussi convient-il qu’elle corresponde à une réalité objective en terme de formation. 

Sur ce point également, tout en aboutissant à des solutions d’espèces différentes, le Conseil d’Etat s’inspire largement de la décision de la Cour de cassation rendue dans l’affaire RFI (2), lorsqu’il souligne que : « si la caractérisation de l’appartenance à une même catégorie professionnelle doit, le cas échéant, tenir compte des acquis de l’expérience professionnelle pour apprécier (…) l’existence d’une formation professionnelle commune, c’est toutefois à la condition, notamment, que de tels acquis équivalent à une formation complémentaire qui excède l’obligation d’adaptation qui incombe à l’employeur ». 

 

Les décisions de l’administration sont “divisibles. Il ressort également de la décision du Conseil d’Etat qu’en cas d’accord partiel et de document unilatéral le complétant, la décision administrative rendue est, « en principe, divisible » ; une partie est une décision de validation qui statue sur l’accord collectif, l’autre partie est une décision d’homologation, qui porte sur le document unilatéral uniquement. La précision est intéressante car cela signifie que l’on peut demander l’annulation de l’homologation, c’est-à-dire faire invalider le document unilatéral, sans remettre en cause l’accord collectif. 

 

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