Licenciement nul : le salarié embauché ailleurs peut-il réintégrer son ancienne entreprise ?

Cette publication a été initialement publiée sur le site du syndicat de salariés CFDT.

En cas de licenciement nul, tout salarié a droit à être réintégré dans l’entreprise sans que l’employeur ne puisse s’y opposer, sauf s’il existe une impossibilité matérielle. Dans un arrêt récent, la Cour de cassation rappelle que le fait, pour le salarié, d’avoir trouvé un nouvel emploi ne constitue pas une impossibilité matérielle empêchant sa réintégration. Cass.soc.10.02.21, n°19-20.397. 

Rappel du principe du droit à réintégration en cas de licenciement nul

La nullité du licenciement ouvre droit au salarié à être réintégré dans l’emploi précédemment occupé ou dans un emploi équivalent, dans le même secteur géographique, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière, avec reprise d’ancienneté et paiement du salaire conventionnel à compter de la date de réintégration.  

Dès lors que le salarié demande sa réintégration, l’employeur ne peut la lui refuser et le juge doit l’ordonner, sauf si cette réintégration est matériellement impossible (1). 

C’est précisément cette limite du droit à réintégration qui constitue tout l’enjeu de cet arrêt. 

En cas de réintégration du salarié, l’employeur doit lui verser une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au titre de la période qui s’est écoulée entre le licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont le salarié a été privé. A l’inverse, si le salarié refuse sa réintégration ou si elle est impossible, il a droit à une indemnité, dont le montant est apprécié souverainement par les juges du fond dès lors qu’il est au moins égal aux salaires des 6 derniers mois. 

Faits, procédure

Un salarié a décidé de saisir le conseil de prud’hommes afin de faire reconnaître son licenciement comme nul. En effet, la rupture de son contrat de travail était clairement en lien avec des agissements de harcèlement moral. 

Après renvoi de la Cour de cassation, les juges d’appel ont donné raison au salarié et ont ordonné sa réintégration. 

Or, la procédure étant longue, entretemps et heureusement pour lui, le salarié a trouvé un nouvel emploi. L’employeur a alors décidé de former un pourvoi. Selon lui, le nouvel emploi du salarié a rendu matériellement impossible sa réintégration dans l’entreprise. Le salarié devait démissionner de son nouvel emploi et effectuer un préavis de 2 mois avant de pourvoir être réembauché. 

Le fait, pour le salarié, d’être au service d’un autre employeur au moment où la décision de réintégration est prononcée l’empêche-t-il de bénéficier de son droit à réintégration ?  

Un nouvel emploi pour le salarié ne fait pas obstacle à son droit à réintégration

La Cour de cassation répond par la négative et rejette sans surprise la demande de l’employeur. Selon elle, l’entreprise « ne justifiait pas que la réintégration était matériellement impossible ». 

Les juges d’appel ont « exactement retenu que le fait pour le salarié d’être entré au service d’un autre employeur n’était pas de nature à le priver de son droit à réintégration ». 

Il ne s’agit ici que d’un rappel. 

La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que le fait d’être lié par un contrat de travail à un autre employeur ne rendait pas impossible matériellement sa réintégration dans son ancienne entreprise (2). 

Il serait difficile d’imaginer que les juges, en constatant l’inverse, puissent reprocher au salarié d’avoir trouvé un nouveau travail ! D’autant que les délais de procédure sont toujours très longs… Le salarié ne peut donc pas à l’évidence rester sans ressource tout au long de cette période. Ce serait alors la double peine pour le salarié qui, après avoir subi une rupture irrégulière de son contrat de travail, perdrait en plus le droit à être réintégré dans l’entreprise. 

L’impossibilité matérielle à réintégration rarement reconnue

Rares sont les cas où les juges ont estimé la réintégration du salarié comme impossible. Il s’agit des cas où : 

– le salarié a liquidé ses droits à la retraite (3); 

– le salarié s’est rendu coupable d’actes de concurrence déloyale après le licenciement (4); 

– la société est en liquidation (5). 

En revanche, il a été jugé que la réintégration ne pouvait être dite impossible lorsque : 

– les tâches antérieurement effectuées par le salarié ont été confiées à un prestataire de services (6); 

– les membres du personnel s’y opposent (7); 

– le poste du salarié a été supprimé (8); 

– l’entreprise rencontre de graves difficultés économiques (9). 

 

(1) Art. L.1235-3-1 C.trav. 

(2) Cass.soc.02.02.05, n02-45.085. 

(3) Cass.soc.08.07.20, n°17-31.291. 

(4) Cass.soc.25.06.03, n°01-46.479. 

(5) Cass.soc.20.06.06, n°05-44.256. 

(6) Cass.soc.14.09.16, n°15-15.944. 

(7) Cass.soc.24.06.14, n°12-24.623. 

(8) Cass.soc.13.12.94, n°92-42.454. 

(9) Cass.soc.24.06.98, n°95-44.757. 

 

 

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