Le juge ne peut pas requalifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse en licenciement pour faute grave si l’employeur ne l’a pas indiqué dans lettre de licenciement. C’est ce que vient de confirmer la Cour de cassation dans un arrêt du 20 décembre 2017.
Licenciement pour faute grave : attention au contenu de la lettre
Dans l’affaire en cause, un employeur a licencié un salarié pour cause réelle et sérieuse en précisant dans la lettre de licenciement la commission d’agissements “intolérables et inacceptables” tels que des propos à connotation sexuelle ou des attitudes et gestes déplacés. Toutefois, la lettre ne contenait à aucun endroit la mention de la faute grave.
Or, le salarié a été licencié pendant un arrêt maladie dû à une maladie professionnelle : les textes de loi sont formels, seule une faute grave ou un motif étranger à l’accident ou à la maladie peuvent justifier de la rupture du contrat de travail pendant un tel arrêt.
Afin de permettre au licenciement d’être justifié, la cour d’appel considère que l’employeur, d’après le contenu de la lettre de licenciement, a souhaité se placer sur le terrain disciplinaire et donc de la faute grave. Cela validerait donc le licenciement du salarié pendant son arrêt maladie dû à une maladie professionnelle.
Mais la Cour de cassation rejette ce raisonnement et retient que le juge “ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l’employeur“. Il aurait fallu que l’employeur écrive noir sur blanc la qualification de faute grave pour que cette qualification soit retenue.
Cette décision nous apporte donc deux enseignements :
– l’employeur doit être très précis et concret dans la rédaction de la lettre de licenciement ;
– le juge doit se reporter à la stricte rédaction de la lettre et ne peut pas aggraver la qualification de la faute retenue pour le licenciement, même si des indices montrent que c’est ce qu’à voulu retenir l’employeur.
Retrouvez ci-après le texte de l’arrêt :
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail ;
Attendu, selon ces textes, qu’au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur ne peut rompre ce contrat que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle ;
Attendu selon l’arrêt attaqué, que M. X… a été engagé par la société Manufacture française des pneumatiques Michelin à compter du 9 février 1972 ; qu’en arrêt maladie pour maladie professionnelle, il a été licencié, le 23 septembre 2011, pour cause réelle et sérieuse et dispensé d’exécuter son préavis ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur le premier motif visé par l’article L. 1226-9 du code du travail, à savoir la faute grave, l’arrêt retient qu’il appartient au juge de donner aux faits invoqués au soutien du licenciement leur véritable qualification, qu’il ne peut être déduit des seuls termes employés après l’exposé des motifs de la lettre : « nous avons décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse », que le licenciement serait nul pour avoir été prononcé au mépris des dispositions de l’article L. 1226-9 du code du travail, que l’employeur énonçait des faits précis dont il déduisait que les agissements du salarié, « intolérables et inacceptables », devaient entraîner le licenciement, qu’il a entendu se placer sur le terrain disciplinaire et que le licenciement a été prononcé pour une faute grave reprochée au salarié, que ces faits, à savoir des propos à connotation sexuelle, un comportement indécent, des attitudes et gestes déplacés, revêtaient une gravité certaine compte tenu de leur nature même et rendaient impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le juge ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l’employeur et qu’elle avait constaté que la lettre de licenciement ne prononçait qu’un licenciement pour cause réelle et sérieuse et non pour une faute grave, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 15 mars 2016, entre les parties par la cour d’appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon ;