Licenciement en cas de grossesse : comment est calculée l’indemnité ?

Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT.

Tout licenciement prononcé à l’égard d’une salariée en raison de son état de grossesse est nul et donne droit à réintégration. La Cour de cassation a précisé récemment qu’en cas de réintégration, l’indemnité pour licenciement nul est égale au montant de la rémunération qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier pendant cette période. 

Cass.soc. 29.01.20, n°18-21.862.  

  • Une discrimination liée à la grossesse

Une salariée a été victime de discrimination liée à sa grossesse par la société Marionnaud Lafayette. En effet, au retour de son congé maternité, la salariée employée comme chef de projet communication a pu constater que l’entreprise avait embauché une autre salariée à un poste très similaire (“responsable communication”). Mais cette nouvelle embauchée le fut avec une rémunération supérieure sans que ce différentiel ne soit justifié soit par des fonctions et responsabilités plus importantes soit par des compétences en meilleure adéquation avec le poste occupé. 

De plus, bien que ses fonctions d’encadrement aient été élargies, la salariée n’a bénéficié d’aucune augmentation individuelle et a été privée des augmentations collectives et boni applicables dans l’entreprise sans que celle-ci ne justifie que ces refus d’augmentation étaient étrangers à toute discrimination. En outre, la salariée a été évincée à plusieurs reprises des réunions concernant son service. 

Finalement, 2 mois seulement après sa reprise du travail, une procédure de licenciement a été engagée à son encontre avec notification d’une mise à pied à titre conservatoire (pour laquelle l’entreprise ne donnait d’ailleurs aucune justification). Cette procédure, initiée sur un terrain disciplinaire, s’est finalement soldée par un licenciement pour cause réelle et sérieuse reposant sur une insuffisance professionnelle et des manquements aux obligations professionnelles de la salariée (insuffisance ne reposant sur aucun élément matériel vérifiable autre que les seules affirmations de l’employeur). 

La salariée a donc saisi a saisi le Conseil de prud’hommes pour contester son licenciement, qu’elle estimait discriminatoire car lié à sa grossesse. Les juges du fond lui ont donné raison et ont prononcé la nullité de la rupture de son contrat de travail ainsi que sa réintégration. 

  • Une indemnité accordée par les juges du fond, déduction faite des revenus de remplacement

Les juges d’appel ont accordé à la salariée une indemnité pour licenciement nul mais ont toutefois déduit des sommes dues par l’employeur au titre des rappels de salaire pour la période d’éviction les revenus de remplacement qu’elle avait perçus. A ce titre, ils l’ont condamnée à restituer à la société la somme de 36 329,10 € (sur la somme de 77 098,36 € qu’elle avait perçue). 

En cas de réintégration, le salarié a droit à deux types d’indemnisation. Une indemnisation correspondant aux salaires non perçus. En premier lieu, le salarié a droit à des dommages et intérêts correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période séparant le licenciement de la réintégration. Attention ! Sauf en cas de violation par l’employeur d’une liberté fondamentale, cette réparation ne peut pas dépasser le montant des salaires dont le salarié a été privé. En d’autres termes, les revenus que le salarié aurait pu percevoir dans la période en question (allocation chômage, revenus tirés d’une autre activité) sont déduits des dommages et intérêts auxquels le salarié peut prétendre. Une indemnisation réparant un préjudice distinct. Le cas échéant, le salarié peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation d’un préjudice distinct de la perte d’emploi (par exemple, en cas de licenciement vexatoire). 

C’est ainsi que la salariée s’est pourvue en cassation. Elle a reproché à la cour d’appel d’avoir effectué cette déduction. Elle faisait notamment valoir que la violation des mesures protectrices de l’état de grossesse par l’employeur constituait une atteinte aux libertés fondamentales garanties par la constitution (protection de la santé, droit à une vie familiale normale). 

  • Une indemnité intégrale est due au regard du principe d’égalité des droits entre les hommes et les femmes

La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel au visa du principe de non-discrimination : « tout licenciement prononcé à l’égard d’une salariée en raison de son état de grossesse est nul ; (…) dès lors qu’un tel licenciement caractérise une atteinte au principe d’égalité de droits entre l’homme et la femme, garanti par l’alinéa 3 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la salariée qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier pendant cette période ». 

En d’autres termes, la nullité du licenciement d’une salariée en raison de sa grossesse ouvre droit, lorsqu’elle est réintégrée, à un rappel de salaire dû entre la date de son licenciement et la date effective de sa réintégration dans l’entreprise, sans déduction des sommes éventuellement perçues à titre de revenus de remplacement

Cette décision est une heureuse surprise. Certes, la chambre sociale juge de manière constante que lorsque le licenciement a été jugé nul, car pris en violation d’une liberté fondamentale, le salarié a droit à la totalité des salaires ou des sommes non perçues entre la date du licenciement et la réintégration, sans aucune déduction. Mais l’application de cette solution au cas de la discrimination liée à la grossesse n’était pas évidente. En effet, la Cour avait déjà pu décider que le principe de non-discrimination en raison de l’âge ne constituait pas une liberté fondamentale (l’indemnité alors allouée au salarié devait déduire les revenus de remplacement qu’il avait perçus).(1) 

Ici, la Haute juridiction donne toute sa place au principe d’égalité des droits entre la femme et l’homme.  

 

(1) Cass.soc.15.11.17, n° 16-14281. 

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