Cet article provient du site du syndicat CFDT.
Le licenciement d’un salarié motivé par la nécessité de son remplacement en raison de la longueur ou la répétition des absences pour maladie ne saurait être justifié dès lors que ces absences ont pour seule conséquence la perturbation d’un service dont il n’est pas constaté qu’il soit essentiel à l’entreprise. Cass. soc. 23.05.2017, n° 14-11.929
La maladie du salarié, même longue, ne peut aucunement justifier en soi un licenciement. Cela constituerait une discrimination en raison de l’état de santé ce qui est prohibée par la loi(1).En revanche, la longueur ou la répétition des absences peut justifier le licenciement sous deux conditions :- la perturbation du fonctionnement de l’entreprise,- et la nécessité de remplacer définitivement le salarié absent(2).
- Faits et procédure
Dans cette affaire, une salariée employée comme conseiller départemental au sein du GIE Groupement de personnels et de services est licenciée pour absences renouvelées et prolongées après avoir subi de nombreux arrêts maladie (dont le dernier de plus de sept mois). La salariée conteste son licenciement devant les juridictions compétentes.
La cour d’appel rejette sa demande. Elle retient que l’employeur justifie d’absences de la salariée de telle nature qu’il en ressort une perturbation du service de prospection et de fidélisation de la clientèle. Elle ajoute que cette perturbation ne pouvait être solutionnée par les remplacements temporaires assurés successivement par deux conseillers volants et constate l’effectivité du remplacement définitif de la salariée par le recrutement d’un salarié «rapidement après la fin du préavis de trois mois […] suivant le licenciement de la salariée» (moins de trois mois après).
La salariée se pourvoie en cassation.
La Cour de cassation est venue préciser par plusieurs arrêts la teneur de cette perturbation. Elle a déjà pu affirmer qu’elle devait affecter le fonctionnement de l’entreprise dans sa globalité et non uniquement l’établissement dans lequel travaille le salarié(3), un service(4) ou un secteur d’activité(5).
- Le service perturbé doit être essentiel au fonctionnement de l’entreprise
La salariée, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, fait valoir que la lettre de licenciement doit énoncer expressément la perturbation dans le fonctionnement de l’entreprise et la nécessité de pourvoir au remplacement du salarié absent. Or, la lettre de licenciement faisait état de répercutions dommageables sur la bonne marche du secteur d’activité de la salariée et non de l’entreprise. De plus, la cour d’appel a considéré que le licenciement était justifié en raison d’une «perturbation du service de prospection et de fidélisation de la clientèle».
Sans surprise, la Cour de cassation donne raison à la salariée. Elle rappelle d’abord sa célèbre formule selon laquelle il est «fait interdiction de licencier un salarié, notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, il ne s’oppose pas au licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées du salarié, entraînant la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié». Elle considère ensuite qu’une perturbation du seul service dans lequel elle travaillait ne pouvait justifier le licenciement de la salariée. Seulement, la haute juridiction fait une précision : elle reproche à la cour d’appel de ne pas avoir constaté le caractère essentiel de ce service dans l’entreprise.
Nous pouvons en déduire, a contrario, que le licenciement aurait pu être justifié par la perturbation d’un seul service si celui-ci avait été essentiel à l’entreprise. Ainsi, par cet arrêt, la chambre sociale vient apporter une précision sur la notion de perturbation du fonctionnement de l’entreprise. Elle peut résulter de la perturbation d’un seul service si celui ci est essentiel de sorte que c’est l’ensemble de l’entreprise qui est impacté. Il n’en demeure pas moins que cette mention devra figurer dans la lettre de licenciement.
(1) Art. L.1132-1 C.trav
(2) Jurisprudence constante de la Cour de cassation – Cass.soc.22.04.11, n° 09-43334
(3) Cass.soc.23.01.13, n° 11-28075
(4) Cass.soc.02.12.09, n° 08-43486 ; Cass.soc.01.02.17, n° 15-17101
(5) Cass.soc.13.05.15, n° 13-21023