Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT.
Dans un arrêt du 3 juin 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation a déclaré nul le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement d’un travailleur handicapé. En effet, le licenciement d’un travailleur ayant une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), déclaré inapte à son poste, doit être précédé de recherches de reclassement et de mesures appropriées pour préserver son emploi. La méconnaissance de ces obligations peut revêtir un caractère discriminatoire.
Cass.soc. 03.06.2020, n° 18.21.993, FSPB
Faits, procédure, prétentions
Un salarié a été engagé par une société de propreté en qualité d’agent d’entretien. Victime d’un accident du travail en juin 2010, il obtient une RQTH en décembre 2010. En avril 2015, le salarié est déclaré inapte, puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La cour d’appel de Douai annule le licenciement du salarié. Elle estime en effet que l’employeur n’a pas exécuté sérieusement ni loyalement son obligation de reclassement. Elle ajoute que le salarié est victime d’une discrimination en raison de son état de santé et de son handicap.
L’employeur se pourvoit en cassation.
Il soutient notamment que :
- le salarié aurait clairement manifesté sa volonté d’être reclassé uniquement dans le périmètre de la communauté urbaine de Lille, il ne pouvait de fait lui être reproché de ne pas avoir recherché de reclassement du salarié sur tout le territoire national ;
- aucune disposition n’imposerait à l’employeur de saisir le Service d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (Sameth) ;
- le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement aurait pour seule conséquence de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.
Réponse de la Cour de cassation
Le non-respect de l’obligation de reclassement par l’employeur concernant un travailleur handicapé déclaré inapte peut-il conduire à la nullité du licenciement ? Réponse de la Cour de cassation : oui !
- Obligation de rechercher un reclassement et de prendre des mesures appropriées dès lors qu’il s’agit d’un travailleur en situation de handicap
La Cour de cassation déboute l’employeur et confirme la position de la cour d’appel de Douai. Elle retient que l’employeur n’a pas exécuté sérieusement ni loyalement son obligation de reclassement.
Elle rappelle qu’en vertu de l’article L.5213-6 du Code du travail, afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, l’employeur est tenu de prendre les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer, d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée.
Ces mesures doivent être prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en œuvre ne soient pas disproportionnées.
« Mesures appropriées » : de quoi parle-t-on ?
Les mesures appropriées correspondent à « des mesures efficaces et pratiques destinées à aménager le poste de travail en fonction du handicap »[1] permettant de garantir une égalité de traitement à l’égard du travailleur handicapé concerné.
Ces mesures peuvent être d’ordre technique (matériel et logiciel adaptés…) ou d’ordre organisationnel (télétravail, temps partiel, assistance humaine…).
Elles peuvent aussi impacter le collectif de travail (action de sensibilisation des équipes, répartition des tâches au sein d’une équipe…).
Comme l’indique le Défenseur des Droits, dans son guide « Emploi des personnes en situation de handicap et aménagement raisonnable »[2], la notion de mesures appropriées est un pilier de l’obligation d’aménagement raisonnable, qui a pour but de rétablir un équilibre rompu par le handicap au détriment du travailleur handicapé.
Ainsi, conformément à l’article L.5213-6 du Code du travail, l’employeur a l’obligation de prendre des mesures appropriées pour les travailleurs handicapés.
Article L.5213-6 du Code du travail : « Afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, l’employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l’article L. 5212-13 d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée.
L’employeur s’assure que les logiciels installés sur le poste de travail des personnes handicapées et nécessaires à leur exercice professionnel sont accessibles.
Il s’assure également que le poste de travail des personnes handicapées est accessible en télétravail. Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en œuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l’aide prévue à l’article L. 5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l’employeur. Le refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d’une discrimination au sens de l’article L. 1133-3 ».
- A défaut, c’est la nullité du licenciement qui est encourue, et non l’absence de cause de réelle et sérieuse du licenciement
La Haute juridiction précise que le refus de prendre ces mesures appropriées peut-être constitutif d’une discrimination.
Elle souligne que l’employeur ne justifiait pas d’étude de postes et de recherches d’aménagements du poste du salarié et qu’il n’avait pas consulté le Sameth, alors même qu’il y avait été invité à deux reprises par le salarié. Elle en déduit que cela équivaut à un refus de prendre les mesures appropriées pour permettre au salarié de conserver un emploi.
Par conséquent, le licenciement est nul car constitutif d’une discrimination à raison du handicap.
Cet arrêt s’inscrit dans la nécessaire protection des droits des travailleurs handicapés. Il faut en retenir que l’obligation de reclassement du travailleur handicapé déclaré inapte doit toujours être examiné à la lumière des mesures appropriées.
[1] Considérant (20) du préambule de la directive CE 2000/78/CE du 27.11.00 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.
[2] Guide du Défenseur des droits « Emploi des personnes en situation de handicap et aménagement raisonnable », décembre 2017.