La publication du rapport Libault la veille de la présentation du PLFSS n’a pas manqué de surprendre, moins par la date que par le contenu final du rapport. En effet, alors que les fuites organisées jusqu’ici avaient plutôt laissé le sentiment que le contenu du rapport serait assez neutre, la rédaction finale a inclus une disposition qui n’était pas claire jusqu’ici: le retour des désignations en prévoyance comme mode normal d’organisation du risque.
Voici le texte du rapport:
Une guerre larvée contre le Conseil Constitutionnel
L’objet du rapport consiste donc bel et bien à contourner autant que faire se peut la décision du Conseil Constitutionnel du 13 juin 2013. Pour y parvenir, le rapport répète sans aucun recul critique la vulgate habituelle, même s’il s’agit d’une contrevérité manifeste. Ainsi, alors que les prix de la complémentaire santé baissent de façon évidente et forte depuis la disparition des clauses de désignation, Libault ressort à nouveau la soupe de l’augmentation des coûts de gestion. Il faut évidemment une impressionnante mauvaise foi (ou une méconnaissance du terrain) pour soutenir que ces coûts étaient moins élevés avant l’ouverture à la concurrence: il suffit de voir les dépenses somptuaires de certains, les partenariats dans le cyclisme et autres investissements permis par des marges trop confortables pour savoir que tous ces arguments sont faux.
Tout cela n’est évidemment qu’un prétexte pour refuser l’autorité d’une décision qui a déplu et pour rétablir des pratiques anachroniques fondées sur la combinazione à propos de laquelle il faudra bien un jour que le marché parle pour remettre les poins sur les “i”.
La désignation pour les multi-employeurs
Sans surprise, le rapport confirme que la désignation serait possible pour les branches où existent de multi-employeurs. Ce serait notamment le cas pour les journalistes pigistes, comme nous l’évoquions il y a quelques jours, où Audiens devrait être désignée.
La désignation en prévoyance
Le rapport propose de façon plus surprenante le maintien des désignations pour des raisons économiques totalement folkloriques dans le domaine de la prévoyance. Cette revendication classique des défenseurs de la branche professionnelle vise à préserver le matelas de provisions là où il se trouve aujourd’hui. Il est assez curieux de voir que les arguments qui prétendaient justifier les désignations en santé ont été ici repris mot pour mot pour justifier les désignations dans la prévoyance.
On voit mal comment ils pourraient résister au Conseil Constitutionnel.
Les conventions collectives de sécurité sociale, nouveau barbarisme
Le rapport Libault innove en outre en proposant la création de “conventions collectives de sécurité sociale”. Ce mécanisme compliqué viserait à permettre une désignation pour les branches prévoyant des mécanismes de solidarité portant sur plus de 10% des cotisations. On voit bien ici la manoeuvre conssitant à demander aux entreprises et aux salariés de financer des mesures qui ne bénéficieraient in fine qu’à certains d’entre eux.
Une reprise dans le PLFSS
Selon nos informations, ces dispositions devraient être reprises dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté aujourd’hui. Là encore, la méthode risque de susciter pas mal de remous.