L’Assemblée Nationale réexaminait cette semaine la généralisation de la complémentaire santé aux retraités, telle que l’article 21, supprimé par le Sénat, la prévoyait. Le contenu des débats a une fois de plus laissé sans voix ceux qui imaginent (naïvement) que l’intérêt général a encore un sens dans ce pays.
Un amendement tardif
Le débat avait lieu mardi soir dans l’hémicycle, et l’amendement du gouvernement “recréant” l’article 21 avait été déposé le matin. Les députés ont donc dû discuter d’une promesse présidentielle faite cinq mois plus tôt en improvisant leurs réflexions sur la base d’une lecture “furtive” d’un texte déposé en catimini. Cette précipitation laisse rêveur sur le degré de sérieux qu’il faut accorder aux débats de la représentation nationale.
Dans la pratique, le texte du gouvernement propose désormais que l’ACPR, dont ce n’est pas la mission, soit l’autorité compétente pour labelliser les contrats proposés aux retraités. Ceux-ci devront répondre à un cahiher des charges avec des tarifs maximaux et des garanties minimales. Cette usine à gaz tirée du chapeau par un petit matin de novembre transforme bien entendu la couverture santé des retraités en parcours du combattant, pour des objectifs qui méritent d’être lus attentivement.
Un coup de pouce à la mutualité
C’est dans la bouche de Gérard Bapt que l’on trouve la première explication à ce revirement de rédaction et à ce festival d’incongruités digne du concours Lépine.
“Je pense que le Gouvernement a entendu les objections des complémentaires, notamment celles de la Mutualité – sachant que les organismes soumis au code de la mutualité délivrent près de 70 % des contrats complémentaires individuels. Ces objections sont donc levées.”
L’Assemblée Nationale ne se cache guère ici pour expliquer l’essentiel des dispositions présentées par le gouvernement ont été inspirées par la pensée de la FNMF, à côté de laquelle la phénoménologie kantienne fait figure de parent pauvre décérébré. Si certains avaient encore le moindre doute sur le lien entre la généralisation de la complémentaire santé aux retraités et l’intérêt général, ils auront, en écoutant Gérard Bapt, perdu leurs dernières illusions.
Combattre le pouvoir d’achat des retraités
Mais la justification la plus hallucinante de cette éopration de sauvetage en urgence est venue de l’ancienne ministre des petits vieux, Michèle Delaunay, qui n’a eu aucun complexe à déclarer:
“la brièveté des délais – vous voyez que je m’inscris moi aussi dans un esprit de concorde nationale ! – ne vous aura sans doute pas permis d’observer l’évolution du point de vue des mutuelles. Ce qu’elles craignaient beaucoup, c’était la mise en concurrence, c’est-à-dire un dispositif qui reposerait, non pas sur un examen – car la labellisation est un examen : on donnera le « baccalauréat » aux contrats responsables –, mais sur un concours où les moins-disants financiers l’auraient emporté. Nous avons évité cet écueil. Il a été tenu compte des craintes de chacun : le Gouvernement a entendu les remarques de la droite et celles des mutualistes.”
Que cela soit dit, donc! le dispositif du gouvernement vise à écarter les “moins-disants financiers”, c’est-à-dire les offres les moins chères, au bénéfice des offres de la FNMF, plus chères mais politiquement correctes.
Ou comment, une fois de plus, la solidarité est le triste prête-nom d’arrangements entre amis.