Depuis quelques semaines, Action Logement, l’ex “1 % logement”, paraît être dans le viseur de l’Etat. Après que ce dernier a décidé, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) 2020, de ponctionner 500 millions d’euros sur la trésorerie d’Action Logement, il semble bien décidé à s’attaquer à la gouvernance de l’institution.
L’Etat s’est-il trouvé là une nouvelle proie paritaire à mettre à mort ?
Un prélèvement à 500 millions
L’actualité estivale ayant été largement consacrée à la succession des canicules, l’affaire a peu fait parler d’elle. Elle n’était pourtant pas tout à fait anodine : dès juillet dernier, dans le cadre du PLF 2020, les pouvoirs publics ont décidé de ponctionner 500 millions d’euros sur les comptes d’Action Logement. Ils n’ont pas précisé si ce prélèvement était ou non exceptionnel, laissant ainsi entendre qu’il pourrait être amené à se reproduire ultérieurement.
Les hasards de calendrier n’étant pas fréquents à certains niveaux de décision, on ne manquait pas de souligner, ici ou là, la concomitance entre cette ponction et l’annonce par Action Logement, au début du mois de juillet, du niveau de sa trésorerie – 8 milliards d’euros en l’occurrence. Quoi qu’il en soit des débats que pourrait légitimement susciter ce niveau, on notera que, ne s’embarrassant pas de telles discussions, l’Etat se trouve des recettes budgétaires de circonstance en faisant les poches d’une institution paritaire dont la gestion est, à l’évidence, plus prudente que la sienne.
La gouvernance mise en cause
A la suite de cet épisode – et très probablement en lien avec lui – l’Etat a entrepris d’étudier de très près la gouvernance d’Action Logement. C’est l’Opinion qui a révélé cette affaire cette semaine. Voyant d’un fort mauvais oeil certaines évolutions de sa gouvernance proposées au début du mois de juillet et les modalités de leur mise en œuvre – le remplacement, moyennant de généreuses indemnité de départ, de son directeur général Bruno Arbouet par Koumaran Pajaniradja, ex-conseiller du ministre du logement Julien Denormandie – le Premier ministre a commandé un rapport à l’inspection générale des finances (IGF) sur le fonctionnement de l’institution.
L’IGF doit se charger “de vérifier que les règles de gouvernance sont respectées, de faire des recommandations pour les améliorer, de détailler les implications que la non mise en œuvre de ces règles peut avoir […] et d’étudier la capacité d’Action Logement à mettre en œuvre les politiques publiques contractées avec l’Etat ”. Autant dire que Bruno Arcadipane, le président d’Action Logement, doit quelque peu se sentir mis sous pression étatique. Et ce n’est pas le rapport de l’agence nationale de contrôle du logement social (Ancols), portant lui aussi sur le fonctionnement d’Action Logement, qui devrait le réconforter, puisque ce dernier, qui doit être publié avant la fin de l’année, dénonce son mode de gouvernance.
Une nouvelle victime paritaire de l’Etat
Du côté de Matignon, on assure que l’offensive de l’Etat contre Action Logement n’appelle pas sa prise de contrôle par l’Etat. Toujours cité par l’Opinion, un membre du cabinet du Premier ministre assure en effet que l’Etat ne veut pas “nationaliser” l’institution ni “remettre en cause” sa “gestion paritaire” mais faire en sorte que le “fonctionnement du conseil d’administration, très loin de pratiques classiques d’entreprises publiques ou privées” s’améliore. Après la reprise en main de l’assurance chômage par l’Etat et alors qu’il s’apprête à prendre le contrôle de l’ensemble des régimes complémentaires de retraite, cette promesse du maintien de l’autonomie d’Action Logement n’engage, certes, que ceux qui y veulent bien y croire.
Sans doute bien conscient de tout ceci – et se montrant pour une fois attaché à la défense d’une institution paritaire – le Medef a d’ailleurs entrepris d’initier une contre-attaque. Il a en l’occurrence commandé un audit du fonctionnement d’Action Logement auprès du cabinet Ernst and Young (EY). Ce rapport suffira-t-il à éviter la reprise en main plus ou moins officielle d’Action Logement par un Etat ne tolérant plus l’existence de politiques sociales autonomes des siennes ? Ceci n’est pas évident.