Les conséquences de la requalification du CDD en CDI

Cet article a été initialement publié sur le site de la CFDT.

 

La requalification d’un CDD en CDI ne signifie pas que la rupture de la relation de travail sera nécessairement analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, en cas de requalification en CDI, la rupture du contrat entraîne l’application des règles régissant les licenciements. Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle qu’il appartient alors au juge d’apprécier la légitimité de cette rupture. Cass. soc. 20.10.2015, n° 14-23712. 

 

Faits et procédure 

Notre affaire oppose un imitateur et la société de production NPA (société du groupe CANAL +) qui l’a embauché en 1998 en vue d’exercer ses fonctions pour le célèbre programme « les Guignols de l’Info ». Pendant 16 ans, le salarié a signé des lettres d’engagement renouvelées tous les mois jusqu’au jour où la société décide de mettre fin à cette relation de travail. 

Bien décidé à faire requalifier l’ensemble de ses CDD en CDI et condamner son employeur à lui payer diverses sommes au titre de la requalification et de la rupture du contrat analysée, selon lui, en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’imitateur saisit le Conseil de prud’hommes. 

 

BON A SAVOIR 

Le CDD est conclu pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et ne doit pas avoir pour objet, ou effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (1). C’est pourquoi le législateur en a strictement limité et encadré le recours. La requalification du CDD en CDI sanctionne l’utilisation irrégulière du CDD touchant tant au fond (non-respect des motifs de recours,…) qu’à la forme (absence d’écrit,…). 

 

Alors que les premiers juges rejettent sa demande de requalification, la Cour d’appel donne raison à l’imitateur. Dans un premier temps, elle requalifie la relation de travail en CDI considérant que le caractère temporaire de l’emploi n’était pas établi par la société. Cette dernière a bien tenté de mettre en avant l’aléa que constitue les impératifs de l’actualité et le bon vouloir de la chaîne Canal + sur laquelle était diffusée le programme, mais c’était sans compter le caractère emblématique et historique de l’émission diffusée depuis près de 20 ans à la même heure et pour laquelle le salarié avait pendant 16 ans exercé les mêmes fonctions d’imitateur dans le cadre de lettres d’engagement mensuelles. Un caractère temporaire pour le coup bien difficile à rapporter. .. 

Puis dans un second temps, elle condamne l’employeur à indemniser le salarié au titre de la rupture du contrat. Son raisonnement est simple : dès lors que la succession de CDD est requalifiée en CDI, la rupture du contrat est inévitablement analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Non satisfaite de ce jugement, la société NPA forme un pourvoi devant la Cour de cassation. Elle conteste bien entendu le principe même de la requalification des contrats en CDI, mais elle met aussi en avant le fait qu’elle avait pris soin d’informer par courriel le salarié de la fin de la collaboration (autrement dit le non-renouvellement de son contrat) ainsi que des raisons justifiant cette décision. Pour la société, la Cour d’appel aurait du prendre en considération ce courriel et son contenu pour apprécier la légitimité de la rupture. Autrement dit, ce courriel faisant office de lettre de licenciement il aurait dû être examiné à ce titre. 

C’est sur ce point que la Cour de cassation va sanctionner les juges du fond. Sans remettre en cause la requalification des contrats en CDI, elle considère que « le juge qui requalifie la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée doit rechercher si la lettre de rupture des relations contractuelles vaut lettre de licenciement et si les motifs de rupture énoncés constituent des griefs matériellement vérifiables permettant de décider si le licenciement a une cause réelle et sérieuse ». Elle casse donc l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point et renvoie l’affaire devant une autre cour afin d’apprécier la réalité et le sérieux du motif invoqué par l’employeur pour mettre fin au contrat. 

 

L’application des règles du licenciement 

 

BON A SAVOIR 

Lorsqu’un CDD est requalifié en CDI, l’échéance du terme pour lequel il a été conclu est analysée en licenciement. Qui dit licenciement dit procédure spécifique impliquant notamment convocation à un entretien préalable, tenue de l’entretien, notification du licenciement et surtout motivation de la rupture dans la lettre de licenciement. Le plus souvent, dans le cadre d’une requalification concomitante à la rupture du contrat, l’employeur n’a pas motivé la rupture, et se voit condamné au versement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en plus des indemnités liées au non-respect des règles procédurales proprement dites. 

Or, dans notre affaire, l’entreprise avait justement pris la peine d’informer par e-mail le salarié de la fin de la collaboration, certes immédiate, mais motivée. Alors que la Cour d’appel avait refusé de prendre en considération le courriel et son contenu (2) prétendant que la requalification suffisait à analyser la rupture du contrat en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour de cassation est beaucoup moins catégorique. 

La Cour d’appel ne pouvait pas en arriver à cette conclusion dès lors que le salarié ne contestait pas avoir eu connaissance du courriel et sans avoir au préalable examiné les motifs invoqués par l’employeur. Pour déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d’appel aurait dû rechercher si le courrier en question valait lettre de licenciement et si les motifs avancés pouvaient constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. La Cour de cassation rend d’ailleurs son arrêt au visa de l’article L. 1232-6 du Code du travail qui précise les règles de notification du licenciement. 

 

Une solution conforme à la jurisprudence 

Cette analyse n’est pas nouvelle. Dans un précédent arrêt (3), la chambre sociale de la Cour de cassation avait déjà été amenée à se prononcer sur un cas similaire. Dans cette affaire, l’employeur avait également pris la peine de motiver le refus de renouvellement du CDD dans une lettre énonçant les griefs matériellement vérifiables à l’encontre de la salariée. Les magistrats avaient alors admis que la lettre était suffisamment motivée pour constituer une lettre de licenciement et que le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse. 

Si cet arrêt est une excellente illustration de recours abusif au CDD et de ses sanctions, il met aussi l’accent sur les conséquences variables d’une éventuelle requalification du CDD en CDI. En effet, hormis l’indemnité spécifique de requalification du contrat, les autres indemnités dues au salarié en cas de requalification seront fonction des obligations qui n’auront pas été respectées par l’employeur. Il n’y a donc pas d’automaticité. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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