Les chauffeurs UBER sont-ils perçus comme des salariés ou des travailleurs indépendants ?

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat : CFDT

 

Faux salariés ou vrai indépendant ? Quelle est la liberté du chauffeur de VTC face aux conditions générales d’utilisation décrétées par la plateforme ? Le lien de subordination peut-il être caractérisé ? Ces questions ne sont pas nouvelles, mais elles sont posées avec une acuité particulière par l’Urssaf d’île de France (Union de recouvrement des cotisations de la sécurité sociale et d’allocation familiale) à la justice française. Réponse dans plusieurs mois (années). À moins que la législation ne prenne les devants… D’ici là, voici un point des problématiques juridiques soulevées par les plateformes numériques et des solutions trouvées outre atlantique. 

  • Uber, catalyseur des problématiques liées aux travailleurs sur plateforme

Uber est une société américaine implantée en France il y a quelques années déjà. Elle met en relation clients et conducteurs de VTC (véhicule de tourisme avec chauffeur) réalisant des services de transport. La société compterait aujourd’hui 15 000 chauffeurs en France (1). Pour les chauffeurs utilisateurs de la plateforme, Uber représente l’opportunité de vivre de l’activité de transport de personnes. À l’inverse, pour les traditionnels chauffeurs de taxi, Uber et ses chauffeurs sont synonymes de concurrence déloyale. 

Au-delà de l’opposition entre ses partisans et ses détracteurs, le cas Uber soulève la question fondamentale du statut des travailleurs auxquels fait appel cette société. 

En effet, les chauffeurs Uber sont officiellement des travailleurs indépendants vis à vis de cette plateforme, pouvant exercer notamment sous statut d’autoentrepreneur. De ce fait, ils jouissent en principe d’une liberté d’organisation de leur travail, pouvant ainsi par exemple organiser leur emploi du temps à leur guise. En contrepartie, ils supportent les risques de leur activité : par exemple, si un client annule une course, le chauffeur n’est pas payé. Leur activité économique n’est bien souvent générée que grâce à la plateforme Uber, qui assure la mise en relation avec les clients. 

Cette dernière, en position de force vis-à-vis des chauffeurs, leur impose le tarif des courses, qui peut être revu à la baisse, sans que les chauffeurs n’aient un quelconque moyen de s’y opposer. Les chauffeurs ne sont pas libres dans le choix de leur véhicule, qui doit remplir certains critères (ancienneté, gamme, finition). Si la plateforme affirme de façon officielle que les notations des clients permettent aux chauffeurs de s’améliorer, elles pourraient aussi être à l’origine de l’exclusion d’un chauffeur. 

On le voit la frontière avec le salariat est mince, l’existence d’une subordination juridique pourrait être retenue, ce qui expose Uber à de possibles requalifications de la relation en contrat de travail. C’est d’ailleurs ce que l’Urssaf d’île de France va tenter de démontrer, devant le TASS (tribunal des affaires de la sécurité sociale) pour obtenir le versement des cotisations qu’elle aurait dû percevoir si ces travailleurs avaient été salariés, et devant le juge pénal, afin d’obtenir une condamnation pour travail dissimulé. 

  • Quelle solution aux États-Unis ?

Petit coup d’œil outre atlantique, où les chauffeurs Uber ont engagé, aux États-Unis, deux class action dans l’objectif de se voir reconnaître la qualité de salariés. Peut-être par crainte des conséquences lourdes, allant bien au-delà de la société Uber, cette dernière vient d’annoncer qu’un accord avec les chauffeurs est en cours de finalisation. Cet accord prévoirait, outre le versement de 84 millions de dollars aux chauffeurs, le fait que ces derniers resteront travailleurs indépendants. 

Cet accord contiendrait aussi les prémices de certains droits attachés aux chauffeurs Uber : meilleure information sur le système de notation, explication des motifs d’exclusion, cette dernière devant être précédée d’avertissements, condition à remplir pour pouvoir intégrer à nouveau la plateforme. Enfin, l’accord irait même jusqu’à envisager un semblant de statut collectif, par la contribution d’Uber à la création d’une association de chauffeurs qui devraient permettre, en présence des dirigeants des plateformes, des échanges sur les problématiques intéressant les chauffeurs. 

 

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