Les débats autour du projet de loi relatif à la modernisation du système de santé se sont terminés au Sénat jeudi 1er octobre 2015. Un vote solennel doit avoir lieu sur ce texte mardi 6 octobre 2015 avant qu’une Commission mixte paritaire ne se saisisse de la question. BI&T avait déjà signalé l’ambition des sénateurs de marquer la loi de leur volonté en modifiant les articles les plus emblématiques du projet de loi défendu par la ministre Marisol Touraine. Qu’en est-il à la fin des discussions au Sénat ? Que reste-t-il du texte voté à l’Assemblée nationale ?
La suppression du tiers-payant généralisé maintenue
La commission des affaires sociales au Sénat avait supprimé les dispositions relatives à la généralisation du tiers-payant pour la médecine de ville. Les sénateurs ont refusé de réintroduire cette disposition à l’article 18 de la loi au motif que beaucoup d’interrogations demeurent : M. Milon, co-rapporteur de la commission précise que le tiers payant est déjà possible et même parfois obligatoire en vertu de la dernière loi de financement de la sécurité sociale. De plus il a mis en avant les contraintes liées au tiers payant qui retombent sur les médecins.
Il ne fait aucun doute que cette disposition essentielle voulue par le Gouvernement sera réintroduite en commission mixte paritaire, sinon, en dernière lecture à l’Assemblée nationale.
Le rétablissement du pacte territoire-santé
Un amendement du Gouvernement a permis la réintroduction dans la loi du pacte territoire-santé qui avait été supprimé par la commission. Ce pacte, prévu à l’article 12 ter, doit permettre :
– de promouvoir la formation et l’installation des professionnels de santé et des centres de santé en fonction des besoins des territoires ;
– d’accompagner l’évolution des conditions d’exercice des professionnels de santé.
Ce pacte est arrêté par le ministre de la santé et doit être mis en oeuvre par les agences régionales de santé.
Un délai supplémentaire pour les groupements hospitaliers de territoires
Les sénateurs ont modifié l’article 27 de la loi santé.
Ainsi, les hôpitaux ont désormais jusqu’au 1er juillet 2016 pour s’organiser en communautés hospitalières de territoire.
Le maintien de la suppression de la participation des pharmaciens à la politique vaccinale
La commission des affaires sociales avait supprimé l’article 32 du projet de loi qui prévoyait que “les pharmaciens d’officine peuvent pratiquer les vaccinations”. Cette pratique devait être soumise à la publication d’un décret destiné à fixer “les titres ou formations requis pour pratiquer ces vaccinations, les conditions techniques dans lesquelles elles doivent être réalisées et les modalités selon lesquelles le pharmacien transmet au médecin traitant de la personne vaccinée les informations relatives à ces vaccinations, et le cas échéant les insère à son dossier médical partagé”.
Les sénateurs ont tenu à ne pas rétablir cet article : le principal argument soulevé étant, comme l’a soutenu M. Chasseing, “je suis moi aussi médecin et je pense […] qu’il faut que la vaccination reste l’apanage du médecin”.
Le renforcement du contrôle de la transparence des enseignants en médecine
Les débats au Sénat ont permis aux sénateurs d’adopter l’article 28 bis AA visant à créer un nouvel article dans le code de la santé publique. Cet article L. 4113-13-1 vise à introduire l’obligation pour les professions médicales, de faire connaître leurs liens “avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits” dès lors qu’ils “s’expriment sur de tels produits lors d’un enseignement universitaire, d’une action de formation continue, d’éducation thérapeutique, dans un livre ou sur internet”.
Pour rendre effectif ce renforcement de la transparence, tout manquement est puni de sanctions prononcées par l’ordre professionnel compétent d’après le texte de loi.
L’élargissement des compétences des sages-femmes en cas d’interruption volontaire de grossesse
Les sénateurs ont rétabli l’article 31 de la loi santé dans sa rédaction initiale en permettant aux sages-femmes de pratiquer l’IVG médicamenteuse avec un recours au médecin en cas de complication.
L’action de groupe en santé
Les discussions au Sénat ont abouti à la validation de l’article 45 de la loi santé relatif à la création d’une action de groupe dans le domaine de la santé. Cette action peut désormais être portée par une association d’usagers du système de santé agréée au niveau national. L’action doit porter sur la réparation des préjudices résultant de dommages corporels subis par des usagers du système de santé.
Les usagers auront au minimum 6 mois et au maximum 3 ans pour adhérer au groupe afin d’obtenir la réparation de leurs préjudices.
La révision du délai de conservation des données médicales liées au cancer
A l’article 46 bis de la loi santé, les sénateurs ont revu à la baisse le délai au-delà duquel aucune information médicale ne peut être recueillie par les organismes assureurs concernant les pathologies cancéreuses des personnes. Ce délai sera désormais de 10 années maximum.
L’impact de telles informations peut souvent être une majoration de tarifs, voire une exclusion de garanties pour des contrats d’assurance.
Ce délai de 10 ans et réduit à 5 ans pour toute pathologie cancéreuse survenue avant l’âge de 18 ans révolus, et au-delà de 18 ans pour les localisations cancéreuses “dont le taux global de survie nette à 5 ans est supérieur ou égal à celui des moins de 18 ans”.
Les organismes assureurs devront respecter ces dispositions et un décret viendra préciser les conditions d’application ainsi que les sanctions applicables en cas de manquement.
L’accès aux données de santé confirmé
Les sénateurs ont proposé leur version de l’article 47 de la loi santé destiné à permettre l’accès gratuit aux données de santé. Cet article prévoit la création d’un système national des données de santé qui a vocation à mettre à disposition des données contribuant à :
– l’information sur la santé ainsi que sur l’offre de soins, la prise en charge médico-sociale et leur qualité ;
– la définition, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques de santé et de protection sociale ;
– la connaissance des dépenses de santé, des dépenses de l’assurance maladie et des dépenses médico-sociales ;
-l’information des professionnels, des structures et des établissements de santé ou médico-sociaux sur leur activité ;
– la surveillance, la veille et la sécurité sanitaires ;
– la recherche, aux études, l’évaluation et l’innovation dans les domaines de la santé et de la prise en charge médico-sociale.
L’article précise bien que les données mises à dispositions ne peuvent pas être utilisées à des fins commerciales ou dans le but de refuser un droit, un service à un individu ou un groupe d’individus.
Afin que les données soient anonymes et ne comportent pas de caractère réidentifiant, elles sont traitées pour être présentées sous forme de statistiques agrégées ou de données individuelles ne présentant aucun risque d’identification des personnes concernées.
L’article précise également le rôle de l’Institut des données de santé qui veille notamment à la qualité des données de santé et aux conditions de leur mise à disposition.