L’employeur peut-il surveiller ses salariés en télétravail ?

Cet article provient du syndicat de salariés CFDT.

En période de confinement, nombre de salariés qui n’en ont pas forcément l’habitude se trouvent placés en télétravail. Un changement dans l’organisation du travail qui remet en cause les modes de contrôle traditionnels du travail des salariés par l’employeur et rend poreuse la distinction entre vie personnelle et vie professionnelle.  

C’est dans ce contexte que la Cnil a publié plusieurs questions-réponses à usage des salariés et des employeurs, dont le dernier date de la semaine dernière.  

Nous vous livrons ici quelques clefs pour articuler le droit au respect de la vie privée du salarié et le pouvoir de contrôle de l’employeur sur le travail. 

  • Respect de la vie privée du salarié versus pouvoir de contrôle de l’employeur

Bien que la jurisprudence soit fournie et parfois subtile, les juges protègent depuis longtemps le droit au respect de la vie privée du salarié (1). 

Ce droit au respect d’un espace « personnel », même aux temps et lieux de travail, prend sa source dans deux fondements principaux : 

  • l’article 9 du Code civil, auquel il a été donné valeur constitutionnelle et qui prévoit que « Chacun a droit au respect de sa vie privée» ;
  • l’article L.1121-1 du Code du travail, selon lequel « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché». En outre, le RGPD s’applique désormais également en situation de travail.

Ces principes valent donc même lorsque le travail est accompli à distance des locaux de l’employeur au moyen d’outils des technologies de l’information et de la communication, autrement dit en télétravail. 

Pour autant, que le travail soit exécuté sur site ou à distance, ces principes doivent être conciliés avec les droits de l’employeur, qui tire du contrat de travail un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution du travail, et peut à ce titre contrôler l’activité des salariés. 

En résumé, le salarié a droit au respect de sa vie privée et de ses données personnelles, mais l’employeur peut contrôler l’exécution du travail, même à distance, dès lors que les dispositifs de contrôle mis en œuvre sont proportionnés au but recherché et justifiés par la nature de la tâche à accomplir… 

Pour la Cnil, un système de contrôle du temps de travail ou d’activités, qu’il s’effectue à distance ou « sur site », doit : 

  • avoir un objectif clairement défini et ne pas être utilisé à d’autres fins (principe de finalité des traitements);
  • être proportionné et adéquat à cet objectif (principe de proportionnalité);
  • être l’objet d’une information préalable des personnes concernées (obligation d’information résultant du principe de loyauté).

Si la Cnil rappelle les principes en présence, elle en déduit également qu’un dispositif de surveillance permanente des salariés n’est – sauf cas très exceptionnels – pas autorisé.  

Ainsi par exemple de la demande d’un employeur au salarié d’activer sa webcam pendant tout son temps de travail afin de contrôler sa présence à son poste… Ou encore du partage permanent de l’écran, ou de l’utilisation de logiciels enregistrant l’ensemble des frappes au clavier… 

Pour la Cnil, ces procédés sont disproportionnés et bien trop invasifs, d’autant qu’il existe souvent des moyens moins intrusifs de contrôler l’activité des salariés. 

Par ailleurs, la Cnil considère que, sauf circonstances très particulières, l’employeur ne peut obliger les salariés à activer leur caméra en réunion. En effet, selon l’article 5.1.c du RGPD, les données traitées doivent être « adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées » ; or, selon la Commission, « dans la plupart des cas, une participation via le micro est suffisante. » 

 

Autre problématique sensible du fait de la précipitation dans laquelle les confinements ont été mis en œuvre : l’usage d’équipements personnels par les salariés en télétravail. A ce sujet, outre quelques recommandations adressées aux salariés pour assurer la sécurité des données, la CNIL considère qu’en cas d’utilisation de matériels personnels, l’employeur n’a en principe pas de droit d’accès aux données qui y sont stockées…Ce qui n’est pas sans poser de problèmes en matière de propriété intellectuelle ! Elle conseille donc de privilégier l’usage d’équipements fournis par l’employeur. 

 

  • La surveillance des salariés suppose leur information et celle de leurs représentants

La Cnil rappelle également que, conformément au RGPD et au contrat de travail, l’employeur est tenu à une obligation de loyauté envers ses salariés, ce qui implique qu’il les informe avant leur mise en œuvre des moyens et techniques de contrôle utilisés. 

De plus, si le contrôle est destiné à évaluer les salariés, une obligation d’information et de confidentialité sont expressément prévues par le Code du travail (2). 

Enfin, rappelons également que les représentants du personnel doivent eux aussi être préalablement informés sur les dispositifs de contrôle mis en œuvre (3) ! 

 

  • Obligations à l’égard de la Cnil

Les dispositifs de surveillance n’ont pas à faire l’objet d’une déclaration préalable, mais doivent néanmoins, nous dit la CNIL, être portés au registre des traitements

De surcroît, certains traitements présentant un risque élevé doivent faire l’objet d’une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD). 

 

(1) Parmi de nombreux exemples : cass.soc.2.10.01, Nikon. Cass.soc.17.05.05, à propos de courriels personnels. Mais aussi CEDH, 5.09.17, n°61496/08. 

(2) L1222-8 C.trav. concernant l’obligation d’informer les salariés des méthodes d’évaluation utilisées préalablement à leur mise en œuvre. 

  • L.2312-8, 4° C. trav.
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