Si, pour les représentants de la plupart des confédérations syndicales de salariés, il n’est guère difficile de prendre une position plus ou moins explicite dans le cadre des débats politiques en cours – en faveur du “Nouveau Front Populaire” (NFP) ou, du moins, en faveur d’un “barrage à l’extrême droite” – pour le patronat français, les choses s’avèrent moins évidentes.
Ne pouvant que constater la déroute du macronisme mais se refusant de choisir entre le NFP et le Rassemblement National (RN), le patronat français cherche à se donner une contenance.
Malaise au sein du patronat français
Comme Michel Offerlé, professeur émérite de sciences politique à l’ENS, l’a souligné en début de semaine dans les colonnes du Monde, la tournure prise par le débat politique donne lieu à un certain malaise au sein du patronat français. Les troupes apparaissent éparpillées entre les patrons qui soutiennent les solutions libérales traditionnelles et ceux qui, bien plus nombreux, semble-t-il, cette fois-ci qu’à l’accoutumée, ont fait le choix de la droite radicale. Cette partition se retrouve dans les prises de position des représentants des organisations patronales : si certains, comme ceux du Centre des Jeunes Dirigeants, ou ceux d’Impact France, ont tenu à prendre leurs distances avec cette droite radicale – d’autres, notamment ceux des organisations représentatives que sont le MEDEF, la CPME et l’U2P, se montrent bien plus prudents.
Des préoccupations essentiellement économiques
Dans la mesure où il leur est toutefois difficile de ne pas s’exprimer au sujet d’enjeux et d’échéances qui pourraient bien s’avérer décisifs pour l’avenir du pays à court et moyen termes, ils ont choisi, jusqu’à présent, de le faire en partant de préoccupations essentiellement économiques. Dans une interview qu’il a accordée hier au Figaro, Patrick Martin, le président du MEDEF, a ainsi renvoyé dos à dos l’union de la gauche et celle de la droite radicale, affirmant que “Les programmes du RN et du Nouveau Front Populaire sont dangereux pour l’économie”. Invité il y a deux jours sur le plateau de Télématin, François Asselin, le président de la CPME, a tenu le même raisonnement. S’il n’est pas illégitime que les principaux représentants du patronat français appréhendent surtout la situation actuelle sous un angle économique, on relèvera toutefois que ceci leur permet par ailleurs d’éviter d’entrer dans le vif de certains débats potentiellement polémiques en interne.
Des clarifications en vue ?
Il n’est, certes, pas dit que, malgré ces précautions, ces débats ne finiront pas par surgir. Aujourd’hui même, les représentants du MEDEF, de la CPME et de l’U2P auditionnent en effet les représentants des principaux partis qui se présentent aux élections législatives anticipées. Il n’est pas impossible qu’à cette occasion, les représentants du RN et des partis de droite qui lui sont alliés fassent le choix de développer une argumentation plus favorable aux intérêts des entreprises. Les représentations nationales du patronat français pourraient alors se trouver dans une situation plus inconfortable encore que celle dans laquelle il se trouve depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée Nationale, piégées entre des impératifs politico-moraux de prise de distance vis-à-vis de la droite radicale et une base en partie tentée par les solutions que cette dernière préconise.