Cette publication est issue du syndicat de salariés CFDT.
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation précise l’étendue de la protection du travailleur temporaire, titulaire d’un mandat de représentation. Ainsi, le travailleur temporaire, conseiller du salarié, est protégé en cas d’interruption ou de notification du non-renouvellement de sa mission lorsqu’un tel renouvellement est prévu au contrat de mission, ainsi que dans le cas où l’entreprise de travail temporaire lui a expressément notifié sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission. Cass.soc 11.09.19, n°18-12.293.
- Les faits : absence de nouvelle proposition de missions par l’entreprise de travail temporaire
Un salarié a été engagé par une entreprise de travail temporaire et mis à disposition d’une entreprise utilisatrice pour une période allant du 10 au 14 juin 2013 dans le cadre d’un accroissement temporaire d’activité lié à une commande imprévue. Dans cet intervalle, le salarié a informé l’entreprise d’intérim de son mandat de conseiller du salarié.
Le conseiller du salarié bénéficie d’une protection contre le licenciement au titre de son mandat représentatif.(1) Toutefois, à l’instar des autres mandats extérieurs, il est nécessaire pour appliquer cette protection que l’employeur soit informé du mandat du salarié.(2)
Le lendemain, la société d’intérim a demandé l’autorisation de l’inspecteur du travail en vue de valider la fin de mission prévue au 14 juin 2013.
Ce dernier s’est déclaré incompétent pour statuer sur cette demande, considérant que le conseiller du salarié ne bénéficiait pas du statut protecteur dans le cadre de missions de travail temporaire et, qu’en tout état de cause, il n’y avait pas lieu à intervention de l’inspecteur du travail pour une fin de mission.
Celle-ci s’est donc achevée à la date prévue, à savoir le 14 juin 2013.
Saisi d’un recours hiérarchique, le ministre du Travail s’est à son tour déclaré incompétent en raison de la rupture du contrat qui était intervenue préalablement à sa décision.
C’est dans ce contexte que le salarié a saisi le conseil de prud’hommes afin de faire reconnaître la violation de son statut protecteur et par conséquent, la nullité de la rupture de son contrat de travail.
La loi prévoit que l’autorisation administrative s’impose aussi bien en cas d’interruption que de non-renouvellement de la mission du salarié temporaire. La jurisprudence a pu ajouter que cette autorisation était également exigée dans le cas où l’entreprise de travail temporaire décide de ne plus lui confier de mission.(3)
Il appartenait ainsi aux juges de répondre à la question suivante : doit-on considérer que l’absence de proposition à l’intérimaire de continuer à effectuer des missions constitue, à elle seule, une décision de ne plus lui confier de mission devant être soumise à l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail ?
Les juges d’appel ont donné raison au salarié. Ils se sont basés sur la jurisprudence de la Cour de cassation jugeant que le travailleur temporaire, conseiller du salarié, était protégé non seulement dans les cas prévus par la loi (interruption ou non-renouvellement), mais aussi dans le cas où l’entreprise de travail temporaire décidait de ne plus lui confier de mission. L’absence de nouvelle proposition par l’entreprise de travail temporaire devait donc s’analyser en une « cessation du contrat de travail entachée de nullité ».
- Clarification du cadre de la protection du salarié intérimaire
La Cour de cassation censure la décision des juges du fond considérant que ces derniers ne pouvaient retenir la violation du statut protecteur sans caractériser l’existence de l’une des conditions suivantes :
– une interruption du contrat de mission en cours,
– un refus de renouvellement de cette mission alors qu’un tel renouvellement avait été prévu au contrat,
– la notification au salarié par l’entreprise de travail temporaire de sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission.
Ce faisant, la Cour énumère précisément les 3 cas qui imposent à l’employeur de saisir l’inspecteur du travail.
Or en l’espèce, aucune notification expresse n’a été faite au salarié l’informant de l’absence de proposition de nouvelle mission.
- Une interprétation restrictive de la protection en cas d’absence de nouvelle mission
Par cet arrêt, la Haute juridiction précise sa jurisprudence antérieure en exigeant, pour le dernier cas, une démarche active de la part de l’entreprise de travail temporaire.
En d’autres termes, en dehors des hypothèses d’interruption et de non renouvellement, et dans le cas où l’inspecteur du travail n’est pas saisi d’une demande d’autorisation, le salarié n’est pas fondé à invoquer la violation de son statut protecteur en l’absence d’une notification expresse de l’entreprise de travail temporaire.
Cette position de la Cour pourrait a priori s’entendre : le raisonnement de la cour d’appel aurait conduit à retenir une violation automatique du statut protecteur en l’absence de demande d’autorisation et dès lors que l’entreprise d’intérim ne propose pas de nouvelle mission au salarié titulaire d’un mandat.
Seulement en pratique, il est rare que l’entreprise d’intérim écrive au salarié pour lui notifier une absence de nouvelle proposition de mission ! L’application de la protection dégagée par la jurisprudence en cas de décision de ne plus confier de mission au salarié sera donc difficilement mise en œuvre, voire vouée à l’extinction.
Cela fait malheureusement échec à la protection du salarié, pour lequel l’absence de nouvelle mission est motivée par son mandat de représentation…
(1) Art. L.2421-1, L.2411-21 et L. 2232-14 C.trav.
(2) Cass.soc.14.09.12, n°11-213.07 et Cass.soc. 26.03.13, n°11-28.269.
(3) Cass.soc. 13.02.12, n°11-21.946.