Cet article provient du site du syndicat FO.
La Cour de cassation (Cass. soc., 4-1-17, n°16-40243) a refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel sur la question de l’égalité de traitement au sujet de l’application L 1224-3-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi « Travail » du 8 août 2016.
Ce nouvel article énonce que : Lorsque les contrats de travail sont, en application d’un accord de branche étendu, poursuivis entre deux entreprises prestataires se succédant sur un même site, les salariés employés sur d’autres sites de l’entreprise nouvellement prestataire et auprès de laquelle les contrats de travail sont poursuivis ne peuvent invoquer utilement les différences de rémunération résultant d’avantages obtenus avant cette poursuite avec les salariés dont les contrats de travail ont été poursuivis.Cet article vise donc l’hypothèse des salariés transférés conventionnellement à la suite de la perte d’un marché de services.Jusqu’alors, la jurisprudence estimait, en toute logique, que dans le cadre d’un transfert conventionnel faisant suite à la perte d’un marché de services, les salariés du nouveau prestataire accomplissant le même travail sur le même chantier, pouvaient revendiquer l’application du principe d’égalité de traitement (Cass. soc., 15-1-14, n°12-25402, Cass. soc., 16-9-15, n°13-26788).
La loi « Travail » fait obstacle à cette jurisprudence en refusant d’appliquer le principe d’égalité de traitement en cas de poursuite des contrats de travail entre deux entreprises prestataires se succédant sur un même site, en application d’un accord de branche étendu.La question se pose de savoir si l’article L 1224-3-2 du code du travail est conforme à la Constitution, et plus particulièrement au principe d’égalité.En effet, cette disposition autorise l’employeur, dans le cadre d’un transfert conventionnel faisant suite à la perte d’un marché de services, à pratiquer une différence de traitement entre ses salariés.Le nouvel article L 1224-3-2 du code du travail empêche les salariés employés sur d’autres sites de l’entreprise nouvellement prestataire d’invoquer utilement les différences de rémunération résultant d’avantages obtenus avant cette poursuite avec les salariés dont les contrats de travail ont été poursuivis.Pour qu’une telle disposition soit conforme à la Constitution encore faut-il pouvoir justifier en quoi l’atteinte au principe d’égalité répond à un motif d’intérêt général. Cela semble extrêmement périlleux à démontrer…
En l’espèce, quinze salariés ont saisi le conseil de prud’hommes, afin d’obtenir le paiement de primes ou avantages particuliers accordés par leur employeur à certains de ses salariés affectés sur d’autres sites, dont les contrats de travail ont été transférés en vertu d’un accord de branche prévoyant une garantie d’emploi en cas de perte de marché.Les salariés ont demandé que soit transmise à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 1224-3-2 du code du travail, qui ne définit pas, d’une part, la notion de site et d’autre part qui adopte la terminologie suivante : ne peuvent invoquer utilement une différence de rémunération ne porte-t-il pas atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution que sont le principe d’égalité, la sécurité juridique et n’est-il pas dépourvu de toute portée normative dans la mesure où il ne mentionne pas clairement l’impossibilité qui est faite aux salariés victimes d’inégalités de faire valoir leurs droits et qu’il apparaît traiter différemment des salariés placés pourtant dans une situation identique sans répondre à un objectif d’intérêt général ?
Ainsi, la QPC déposée était fondée sur deux griefs : une violation du principe d’égalité non motivée par un motif d’intérêt général ; une atteinte au principe de sécurité juridique résultant de l’imprécision des termes employés.
La Cour de cassation a rejeté la QPC, dans la mesure où, pour des raisons procédurales, cette QPC ne pouvait être renvoyée au Conseil constitutionnel.Le renvoi devant le Conseil constitutionnel impose de vérifier, avant tout examen au fond, que le texte critiqué est bien applicable au litige. Or, tel n’était pas le cas, en l’espèce.La Cour de cassation a relevé que la question ne présentait pas un caractère sérieux, dans la mesure où le texte en question était inapplicable au litige, l’article L 1224-3-2 du code du travail ne s’appliquant qu’au transfert conventionnel ayant lieu à partir du 10 août 2016.La question de la violation de l’égalité de traitement par l’article L 1224-3-2 reste donc totalement ouverte…