Cet article provient du site du syndicat CFDT.
Pour la première fois dans le microcosme syndical, un tribunal vient de reconnaître la notion de « concurrence déloyale » concernant l’utilisation du sigle et du logo d’une organisation syndicale par un syndicat qui lui était désaffilié. Le TGI de Paris a donné raison à la confédération CFDT et fait interdiction à un syndicat dissident d’utiliser sa dénomination. Une victoire contentieuse et syndicale importante pour la CFDT, qui met fin à des années de conflits et de questionnements juridiques (1)
• Un conflit interne et déjà ancienCette jurisprudence, dont on peut certes se réjouir, est l’aboutissement d’une querelle interne au sein de l’équipe dirigeante du syndicat CFDT à la RATP. Des dissensions qui remontent à 2012 et qui (malgré les tentatives) n’ont pas trouvé d’issue alternative à celle de la rupture.Le syndicat CFDT RATP s’est en effet vu désaffilié par décision du Bureau national confédéral en date du 8 avril 2016. Cette radiation a entraîné juridiquement la fin de tout lien entre le syndicat désaffilié (qui conserve sa personnalité juridique) et la Confédération CFDT. Ce qui impliquait, notamment, l’interdiction de se revendiquer de la CFDT pour le syndicat dissident. Pour la CFDT, cette désaffiliation a été suivie de la mise en place d’une nouvelle équipe et d’un nouveau syndicat sous le « label » CFDT.C’était sans compter toutefois sur le parasitage répété de l’équipe dissidente qui n’a eu de cesse, même après la radiation, de se présenter sous le sigle CFDT (jouant parfois sur l’utilisation du préfixe « ex- » CFDT). Que ce soit via ses courriers, ses tracts ou son site internet dont le nom de domaine (cfdt-ratp.com) ne pouvait que semer la confusion dans l’esprit de leurs interlocuteurs (salariés, entreprise, mairie, ou même établissements bancaires).C’est à l’occasion de ce litige que la CFDT a décidé de protéger sa dénomination en déposant sa marque et son logo à l’INPI (institut national de la propriété intellectuelle) dès le mois de décembre 2014. Une démarche que la plupart des partis politiques avaient déjà entreprise, mais presque aucune organisation syndicale ou patronale à l’époque. Ce dépôt permet de défendre plus rapidement et efficacement le sigle CFDT contre les utilisations frauduleuses qui pourraient avoir lieu (dans les entreprises, sur les réseaux sociaux etc.)
• Un usage susceptible de semer la confusion dans l’esprit des salariésLe juge des référés a commencé par remettre les éléments à leur place. Il a rappelé l’antériorité de l’utilisation du sigle CFDT par la Confédération et la désaffiliation du syndicat dissident par le Bureau national. « Il est constant que la Confédération Française Démocratique du Travail utilise également le sigle CFDT à titre de dénomination sociale depuis sa création en 1964. Il n’est également pas contesté que depuis sa désaffiliation décidée le 31 mars 2016 par le Bureau national de la CFDT, le syndicat CFDT RATP ne peut plus revendiquer son appartenance à la CFDT (…) »Les dissidents continuaient de fait (même après la désaffiliation) de se prévaloir du sigle CFDT dans leur communication auprès de l’entreprise et des salariés. Un usage que le juge leur a refusé, même précédé de la mention « ex- », par le syndicat désaffilié « Ces actes (…) générant un risque de confusion (…) sont fautifs et portent atteinte à la dénomination sociale de la CFDT qui subit de ce fait un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre un terme ».
• Une concurrence déloyale et parasitaireSi le juge ne reconnaît pas dans le sigle CFDT un usage de marque « dans la vie des affaires » (contrairement pourtant à la jurisprudence « MEDEF » rendue par le tribunal de Nanterre et Versailles) il retient toutefois la responsabilité du syndicat dissident sur le terrain de la concurrence déloyale.« Si des syndicats n’ont pas par principe une activité commerciale, ils n’en sont pas moins en situation de concurrence dans la lutte qu’ils mènent pour convaincre leurs adhérents, élargir leur base électorale et conquérir leur représentativité. Cette concurrence, comme celle de nature strictement économique, doit être loyale. »Une décision fort logique et en lien avec la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation pour qui, en matière de représentativité, l’appartenance syndicale est un élément déterminant dans le vote des salariés (2).
• Une victoire judiciaire et syndicaleLe tribunal a donc fait droit aux demandes de la CFDT et a enjoint (sous astreinte) aux dissidents :- de cesser d’utiliser le terme « CFDT » pour se présenter face à des tiers ou des adhérents quel que soit le support (sur des tracts, des courriers, des sites internet ou des adresses mail) ;- de modifier sa dénomination sociale dans ses statuts auprès de la mairie (« Syndicat Général CFDT des personnels du groupe RATP ») pour qu’elle n’intègre plus le signe CFDT.Il est également demandé à l’hébergeur du site de fermer celui avec lequel le syndicat désaffilié continuait de communiquer.
• Une atteinte à l’image de la CFDT, lourde de conséquencesLa mesure étant rendue à titre provisoire, La Confédération va donc assigner le syndicat pour la faire confirmer au fond et obtenir réparation de l’ensemble des préjudices subis par la CFDT et les équipes de militants au sein de l’entreprise.Un préjudice d’abord moral pour les militants du syndicat CFDT légitime, qui vivent ces querelles intestines et destructrices depuis plusieurs années.
Un préjudice en termes d’image également pour la CFDT, auprès des salariés de l’entreprise qui ont été pollués par ces parasitages. Ce qui lui a valu de perdre sa représentativité au niveau de l’entreprise (et les moyens syndicaux qui sont liés).Un préjudice financier non négligeable, car ces utilisations frauduleuses et illégitimes ont obligé la CFDT à défendre l’usage de son sigle et de son logo. À grands coups d’assignation, de sommations, de mises en demeure et d’actions contentieuses pour faire reconnaître, in fine, que la CFDT est une dénomination sociale dont des syndicats dissidents et irrespectueux de ses valeurs ne peuvent user.
(1) TGI de Paris, référé, 09.02.17(2) Cass.soc. 18.05.11, n° 10-21.705, 10-60.069, 10-60.264.