Le temps de trajet des représentants du personnel est-il du temps de travail ?

Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT.

Vous le savez, en qualité de représentant du personnel, le temps que vous passez en réunion avec l’employeur est en principe payé comme du temps de travail effectif. Qu’en est-il du temps de trajet pour se rendre à ces réunions ? La Cour de cassation est, dans un arrêt récent, venue rappeler les règles qui s’appliquent. L’occasion également de faire le point sur le traitement des temps de trajet liés à l’exécution de votre mission. Cass.soc. 21.04.22, n°20-17038.

Quel est l’état du droit sur ces questions ?

Si le Code du travail précise bien la manière dont il faut traiter le temps passé par les représentants du personnel en réunion, il ne dit rien concernant les temps de trajet liés à l’exercice de leur mission de représentation.  Ces temps doivent-ils s’imputer sur le crédit d’heures ? Doivent-ils être rémunérés par l’employeur ?

Le temps passé par les membres du CSE en réunion avec l’employeur n’est pas déduit du crédit d’heures mensuel et est payé comme du temps de travail. Cela vaut pour :

– les heures utilisées par les délégués syndicaux (DS) pour participer aux réunions organisées à l’initiative du chef d’entreprise(1) ;
– le temps passé par les membres élus du CSE et par les représentants syndicaux au CSE (RSCE ; dans les entreprises d’au moins 501 salariés) aux réunions ordinaires et extraordinaires(2) ;
– le temps passé par les membres du conseil d’entreprise aux réunions classiques et de négociation avec l’employeur (3).

Concernant les temps de trajet pour se rendre aux réunions, ce sont les accords collectifs ou les usages qui, parfois, précisent les règles à appliquer. Et lorsqu’ils ne prévoient rien, c’est la jurisprudence qui apporte des réponses.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 21 avril dernier, est l’occasion de revenir sur ces règles.

Les faits

Dans cette affaire, un salarié titulaire de différents mandats électifs (membre du comité d’entreprise, du comité central d’entreprise (CCE) et DS central suppléant) a dû se rendre à des réunions du CCE organisées par l’employeur au siège de l’entreprise, c’est-à-dire en région parisienne.

Il faut préciser que le salarié vit et travaille habituellement dans le Sud-est de la France. Ces réunions l’ont donc obligé à prendre l’avion.

En désaccord avec l’employeur quant au traitement de ses temps de trajet, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes afin de réclamer le paiement :

  • du temps de trajet pour se rendre aux réunions en région parisienne,
  • et de la part excédant le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu de travail habituel.

L’employeur conteste : selon lui, le temps de déplacement qui ne coïncide pas avec l’horaire de travail et qui dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail peut, comme le prévoit le Code du travail, faire l’objet d’une contrepartie sous forme de repos. Ayant accordé un repos compensateur au salarié, il n’était donc pas en plus tenu de le rémunérer.

Sa demande est rejetée par les juges du fond. Selon eux, le salarié s’étant rendu en région parisienne pour assister aux réunions du CCE organisées par l’employeur, il est en droit de réclamer la rémunération du temps de trajet effectué pendant – mais aussi hors de – l’horaire normal de travail, pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail.

Mais alors, quelles règles appliquer ?

Le principe : les temps de trajet pour se rendre aux réunions sont rémunérés par l’employeur

Depuis 1997, la Cour de cassation considère que les temps de trajet pour se rendre aux réunions ou en revenir doivent être rémunérés par l’employeur (4).

Cela ne pose pas vraiment de problème lorsque le temps de trajet est pris pendant le temps de travail. Dans la mesure où le représentant ne doit subir aucune perte de rémunération liée à l’exercice de son mandat, ces temps de trajet ne peuvent entraîner aucune retenue sur son salaire. Le représentant doit donc être rémunéré normalement par l’employeur (5). Et ces temps ne doivent pas non plus être déduits de son crédit d’heures.

Qu’en est-il lorsque le temps de trajet est pris en dehors de l’horaire de travail ?

Les trajets hors temps de travail sont rémunérés pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail

Dans notre affaire, pour refuser de rémunérer le salarié pour les temps de trajet pris hors temps de travail, l’employeur s’appuie sur, l’article L. 3121-4 du Code du travail qui prévoit que :

  • Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu de travail n’est pas un temps de travail effectif.
  • Lorsque ce temps de trajet dépasse le temps de trajet « normal », il doit faire l’objet d’une contrepartie en repos ou financière.
  • Et lorsque ce temps de trajet coïncide avec l’horaire de travail, il ne doit entraîner aucune perte de salaire.
  • En bref, les temps de déplacement ne sont pas assimilés à du temps de travail effectif mais ils ouvrent droit à un repos ou une contrepartie financière s’ils dépassent le temps de trajet habituel du salarié.

Seulement, cet article renvoie au droit commun, c’est-à-dire qu’il a vocation à s’appliquer aux salariés pris dans leur ensemble. Or, dans notre cas, le salarié est également représentant du personnel. Pour la Cour de cassation, ce n’est donc pas cet article qu’il convient d’appliquer, mais la jurisprudence dégagée jusqu’ici sur ces questions.

Et la jurisprudence est claire : les temps de trajet hors temps de travail pour se rendre ou revenir des réunions organisées par l’employeur, sont, tout comme les trajets pris sur le temps de travail, assimilés à du temps de travail effectif et doivent être rémunérés comme tels.

Mais attention ! Il y a une subtilité : cette rémunération comme du temps de travail effectif ne s’applique que pour la durée du trajet qui excède le temps normal de déplacement entre le domicile du salarié et son lieu de travail (6).

C’est donc sur ce principe que va se caler la Cour de cassation. Elle commence par rappeler que le temps passé aux séances du comité par les RSCE est rémunéré comme du temps de travail(7). Puis elle ajoute que « le RSCE ne devant subir aucune perte de rémunération en raison de l’exercice de son mandat, le temps de trajet, pris en dehors de l’horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail »(8).

Le salarié pouvait donc parfaitement réclamer la rémunération de son temps de trajet effectué pendant, mais aussi hors de l’horaire normal de travail pour la part excédant son temps de trajet entre son domicile et son lieu de travail habituel. Une seule contrepartie en repos n’était donc pas admise.

Sont également pris en compte dans le calcul du temps de trajet :
– les temps d’attente entre les divers modes de transports (train, avion, taxi, correspondances, etc.) et entre l’arrivée et le début de la réunion ;
– les délais incompressibles d’attente imposés au salarié entre l’heure de la réunion fixée par l’employeur et les horaires fixés par le transporteur, et ce, dans le cadre du voyage le plus rapide (9).

Quid des temps de trajet liés à l’exercice des fonctions représentatives hors réunions avec l’employeur ?

Sauf disposition contraire (d’un accord collectif ou d’un usage), le temps de trajet pris pendant l’horaire normal de travail s’impute sur les heures de délégation (10).

Quant au temps de trajet pris en dehors de l’horaire normal de travail, il doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail. Ce temps doit également être pris en compte pour apprécier le seuil de déclenchement des heures supplémentaires et, le cas échéant, rémunéré comme tel (11).

(1)Art. L.2143-18 C.trav.

(2) Art. L.2315-12 C.trav. ; selon le questions-Réponses sur le CSE du ministère du Travail, dans les entreprises de 500 salariés et moins, le temps passé par les RSCE aux réunions est rémunéré comme du temps de travail, mais il est déduit des heures de délégations, voir Questions-réponses CSE 17 janv. 2020.

(3) Art. L.2321-5 C.trav.

(4) Cass.soc.30.09.97, n°95-40125 ; et non imputés sur la subvention de fonctionnement du CSE.

(5) Cass.soc.20.02.02, n°99-44760.

(6) Cass.soc.10.12.03, n°01-41.658 ; Cass.soc.18.05.11, n°09-70.878

(7) Art.L.2325-9 C.trav.

(8) Cass.soc.12.06.13, n°12-15.064 et 12-12.806

(9) CA Metz, ch. soc.15.12.11, n° 10/00394 ; Cass.soc.12.06.13, n°12-15.064.

(10) Cass.soc.09.12.14, n°13-22212.

(11) Cass.soc.27.01.21, n°19-22.038.

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmarkClose
0 Shares:
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pourriez aussi aimer

MGEN (groupe VYV) accueille le nouveau conseiller de son président

Ce communiqué a été diffusé par MGEN (groupe VYV). Après un Bafa et quelques années de pionnicat en parallèle de sa licence de lettres modernes, Alexandre Dimeck-Ghione exerce le métier de coordinateur d'assistance pour le compte de Mondial Assistance de 2012 à 2017. En 2017, il rejoint la direction qualité de AWP (Allianz Worldwide Partners) comme expert de la relation client. En janvier 2020, Alexandre rejoint le...

Représentativité syndicale en TPE : les dates du scrutin fixées par décret

Un décret dédié à la mesure de l'audience syndicale dans les entreprises de moins de 11 salariés vient de paraître au Journal officiel. Ce décret indique que le vote électronique se fera du lundi 25 novembre 2024 à 15h jusqu'au lundi 9 décembre à 17h. Quant au vote par correspondance il aura lieu du 25 novembre au 9 décembre inclus s'agissant de l'envoi des bulletins de vote. Retrouvez le ...

Avis d’extension d’un avenant santé et d’un accord de protection sociale dans l’assainissement et maintenance industrielle

La ministre du travail et de l’emploi envisage d’étendre, par avis publié le 21 novembre 2024, les dispositions de l’avenant n° 43 du 3 octobre 2024 relatif au régime de complémentaire frais de soins de santé et de l'accord du 3 octobre 2024 relatif à la constitution d'une catégorie objective de salaries pour le bénéfice d'une couverture de protection sociale complémentaire conformément au ...

Avis d’extension d’un avenant santé à la CCN des commissaires de justice et sociétés de ventes

La ministre du travail et de l’emploi envisage d’étendre, par avis publié le 21 novembre 2024, les dispositions de l’avenant n° 7 du 9 octobre 2024 relatif au régime de complémentaire frais de soins de santé, conclu dans le cadre de la convention collective nationale des commissaires de justice et sociétés de ventes volontaires du 16 novembre 2022 (...