Cet article provient du site du syndicat CFDT.
L’avènement, en août 2016, d’un statut pour les défenseurs syndicaux n’a visiblement pas fait que des heureux. Parmi les insatisfaits, le Conseil national des barreaux (CNB), qui a tenté de remettre en cause sa conformité à notre Loi fondamentale par le dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). En cause, les obligations spécifiques de secret professionnel et de discrétion auxquelles sont astreints les défenseurs syndicaux. Des différences statutaires qui, aux yeux du CNB, devaient être vues comme constituant une rupture du principe d’égalité devant la justice. QPC rejetée, statut du défenseur confirmé. Décision n° 2017-623 QPC du 7 avril 2017
Alors qu’il n’était encore qu’en débat au Parlement, le statut de défenseur syndical était déjà vigoureusement combattu. C’est ainsi que très nombreux amendements avaient d’entrée de jeu tenté de le torpiller. Maintenant qu’il a trouvé sa place au sein du Code du travail, il est encore et toujours en proie à de nombreuses contestations. C’est ainsi qu’il a été visé, il y a quelques mois de cela, par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). C’est à cette QPC que le conseil constitutionnel est venu répondre le 7 avril dernier.
- La procédure
Le 24 octobre 2016, le Conseil national des barreaux (CNB) a saisi le Conseil d’Etat d’une requête en annulation, pour excès de pouvoir, du décret du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail. Le CNB s’est saisi de l’occasion pour déposer, auprès de la juridiction suprême de l’ordre administratif, une QPC visant le fondement légal du statut de défenseur syndical (1).
Par décision rendue le 18 janvier 2017, le Conseil d’Etat a estimé que cette QPC présentait un caractère sérieux et qu’il y avait donc lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
- Les textes concernés
En ses deux premiers alinéas, l’article L. 1453-8 du Code du travail précise que le défenseur syndical est tenu, d’une part, « au secret professionnel » mais seulement pour ce qui concerne « lesquestions relatives aux procédés de fabrication » et, d’autre part, « à une obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par la personne qu’il assiste ou représente ou par la partie adverse dans le cadre d’une négociation ».
En son dernier alinéa, ce même article précise enfin que « toute méconnaissance de ces obligations » est susceptible d’ « entraîner la radiation de l’intéressé de la liste des défenseurs syndicaux par l’autorité administrative ».
Voilà pour les défenseurs syndicaux.
De l’autre, l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques précise, en son premier alinéa, qu’ « en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention ” officielle “, les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ».
Voilà pour les avocats.
- Le principe d’égalité devant la Justice remis en cause ?
Obligation de secret professionnel limitée aux « questions relatives aux procédés de fabrication » assortie d’une obligation de discrétion d’un côté, obligation générale de secret professionnel de l’autre. Pour le CNB, une telle différence objective de statut entre défenseurs syndicaux et avocats était, en elle-même, génératrice d’une rupture du principe d’égalité devant la justice.
Pourquoi ? Tout simplement parce que les justiciables dont le dossier serait pris en charge par un défenseur syndical bénéficieraient d’une moindre protection que ceux dont le dossier serait pris en charge par un avocat. L’obligation de secret professionnel pesant sur ces derniers étant à la fois plus stricte et plus globale que l’obligation de secret professionnel limitée aux « questions relatives aux procédés de fabrication » et celle de discrétion pesant sur les défenseurs syndicaux.
A l’appui de sa requête, le CNB souligne le fait qu’en matière prud’homale, la représentation des parties est désormais obligatoire en appel. Soit par avocat, soit par défenseur syndical[1]. Et d’en conclure qu’à ce stade de la procédure, la partie qui serait représentée par un défenseur syndical ne serait pas mise sur un pied d’égalité avec celle qui le serait par un avocat. Cette dernière étant davantage protégée (par la loi) que la première.
A en croire le CNB, une telle distorsion de situation serait de nature à prendre à revers les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de d’Homme et du citoyen. Article 6, selon lequel la loi doit être « la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Article 16, selon lequel « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée (…) n’a point de Constitution ».
Certes, pour le CNB, le législateur a toujours la possibilité de prévoir « des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent ». Mais, il ne peut ni procéder à des « distinctions injustifiées », ni ne pas « assurer aux justiciables des garanties égales » notamment quant au « respect du principe des droits de la défense ». Ce qui, selon lui, était le cas en l’espèce.
A l’en croire donc, l’article L.1453-8 du Code du travail devait donc être vu comme non conforme à la constitution.
- Non, répond le Conseil constitutionnel
Ces arguments ne suffiront cependant pas à convaincre le Conseil constitutionnel. Ce dernier estime, en effet, qu’assisté par un avocat ou par un défenseur syndical, le justiciable se trouve, au final, placé dans une situation somme toute assez comparable. Secret professionnel d’un côté et « secret professionnel » cantonné « aux questions relatives aux procédés de fabrication » assortie d’une obligation de discrétion « à l’égard des informations ayant un caractère confidentiel » apportant « des garanties équivalentes » quant aux « droits de la défense » et à « l’équilibre des droits des parties ».
Ce d’autant plus que, comme le soulignent utilement les sages de la rue Montpensier :
– tout manquement d’un défenseur syndical à ses obligations de secret professionnel et de discrétion peut entraîner sa radiation de la liste des défenseurs syndicaux par l’autorité administrative ;
– le Code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire, soit par son état, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire (2).
Cette décision rendue par le conseil constitutionnel est importante puisqu’elle permet de conclure à la conformité à la Constitution du statut de défenseur syndical. Ce qui, pour la CFDT, mérite d’être salué.