Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat CFDT.
A quelles conditions la protection prévue par le Code du travail au bénéfice de salariés relatant ou témoignant de faits de harcèlement moral s’applique-t-elle ? La Cour de cassation vient de décider que la protection s’applique, peu importe que la dénonciation ne soit intervenue qu’en présence de l’employeur, seule la mauvaise foi du salarié permet d’écarter cette protection. Cass. soc.10.06.15, n° 13-2554.
Faits, procédure, prétentions des parties
Un salarié n’avait cessé de reprocher à son employeur de le harceler, mais ses reproches s’adressaient directement à lui. Finalement, le salarié fut licencié pour faute grave, la lettre de licenciement faisant référence à ces faits.
Le salarié saisit alors les juges prud’homaux afin de voir dire son licenciement nul. Selon lui, en effet, l’employeur l’a licencié pour avoir relaté des faits de harcèlement. Au contraire, l’employeur estime que le salarié n’avait fait que se plaindre et exprimer son opposition aux directives. Il prétend donc qu’il ne s’agissait en réalité que de l’expression d’une opposition systématique du salarié aux demandes qui lui étaient adressées et que ce comportement avait pour seul but de faire obstruction.
En appel, les juges du fond donnent raison au salarié. L’employeur forme alors un pourvoi cassation.
La dénonciation du harcèlement invalide le licenciement, sauf mauvaise foi du salarié
La protection prévue par l’article L1152-2 du Code du travail, selon lequel un salarié ne peut être licencié pour avoir témoigné ou relaté d’agissements répétés de harcèlement moral, s’applique-t-elle au salarié dont les reproches de harcèlement n’ont été faites qu’à son employeur ? Ou bien faut-il que les faits aient été relatés à un tiers ?
La Cour de cassation ne répond pas très directement à cette question. Elle rejette néanmoins le pourvoi de l’employeur en ces termes : « le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi ».
Cette solution n’est pas nouvelle (1), mais ici la Cour semble considérer que cette exception est unique, autrement dit, que le fait que les accusations du salarié n’aient été adressées qu’à l’employeur ne compte pas si celui-ci était de bonne foi. Or, la seule chose susceptible de caractériser la mauvaise foi est le mensonge ou, en d’autres mots, la « connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce », comme le rappelle ici la Cour (2).
Une solution qui peut paraître sévère au vu des faits de l’espèce, mais qui est sans doute la seule manière de protéger efficacement les salariés qui témoignent ou relatent des faits de harcèlement.
(1) Cass.soc.10.03.09, n°07-44092.
(2) Cass.soc.7.02.12, n°10-18035 ; Cass.soc.06.06.12, n°10-18686.