Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation précise que pour faire courir le délai de 6 mois à l’expiration duquel le salarié ne peut plus dénoncer le reçu pour solde de tout compte, ce dernier doit comporter la date de sa signature. Il importe peu que cette date ne soit pas écrite de la main du salarié, dès lors qu’elle est certaine. Cass.soc. 20.02.19, n° 17-27.600.
- Absence de mention de la date de signature par le salarié
Dans cette affaire, un salarié, licencié pour faute grave le 14 avril 2009 s’est vu remettre par l’employeur son solde de tout compte daté du 17 avril 2009. Ce document comportait une mention à l’attention du salarié lui précisant qu’il devait mentionner la formule « Bon pour solde de tout compte », suivie de sa signature et de la date du jour. Le salarié a bien apposé la formule demandée et signé le reçu. Cependant, il n’a indiqué aucune date.
Le reçu pour solde de tout compte fait l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail. Il peut être dénoncé dans les 6 mois qui suivent sa signature. Au-delà de ce délai, il devient libératoire pour l’employeur, pour les sommes qui y sont mentionnées(1) ; c’est-à-dire que le salarié ne peut plus le dénoncer. Si le Code du travail n’exige pas expressément d’y faire figurer la date de sa signature, la jurisprudence considère cependant que le reçu doit comporter la date de sa signature pour faire courir le délai de 6 mois(2).
Selon le salarié, le délai de dénonciation de 6 mois ne lui était pas opposable, car il n’avait pas daté lui-même le reçu. Il a saisi le conseil de prud’hommes afin notamment de se voir payer des primes d’objectifs et des rappels de salaire.
La cour d’appel a suivi son raisonnement. Pour les juges du fond, le délai de dénonciation n’avait jamais commencé à courir en l’absence de mention sur le reçu de la date de signature par le salarié. En conséquence, le reçu pour solde de tout compte était dépourvu d’effet libératoire pour l’employeur. C’est ainsi que les juges ont condamné la société en paiement des diverses primes et indemnités réclamées par le salarié, et ce, quand bien même ces éléments étaient mentionnés dans le reçu qu’il avait signé.
La société s’est pourvue en cassation.
- Délai de dénonciation opposable en présence d’une date certaine
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et rappelle sa position adoptée dans un arrêt du 10 février 1998 sous l’empire d’une législation antérieure (2). Elle affirme que « pour faire courir le délai de six mois à l’expiration duquel le salarié ne peut plus dénoncer le reçu pour solde de tout compte, ce dernier doit comporter la date de sa signature, peu important que celle-ci ne soit pas écrite de la main du salarié, dès l’instant qu’elle est certaine ». En d’autres termes, si la datation du reçu pour solde de tout compte est une condition sine qua non pour faire partir le délai de contestation, le fait que cette date ne soit pas apposée par le salarié lui-même est sans incidence. La date mentionnée sur le reçu doit toutefois être certaine. Par exemple, cela peut être le cas d’une date dactylographiée, dans la mesure où elle ne fait pas l’objet d’une contestation par le salarié, comme cela était le cas en l’espèce.
En conséquence, le délai de 6 mois était bien opposable au salarié, et le solde de tout compte avait acquis un caractère libératoire.
Pour la CFDT, il est essentiel pour le salarié de bien prêter attention à l’exactitude de la date inscrite sur le reçu pour solde de tout compte au moment où il y appose sa signature. L’idéal est de veiller à écrire la date du jour, afin d’éviter tout conflit ultérieur.
(1) Art. L.1234-20 C.trav.
(2) Cass.soc. 10.02.98, n°95-40.271