Le salarié doit prouver sa disposition à l’employeur entre deux CCD en cas de requalification en CDI

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat CFDT.

 

En cas de requalification de CDD non successifs en CDI, le salarié qui souhaite obtenir le rappel de salaires pour les périodes interstitielles (1) doit apporter la preuve qu’il était à la disposition de l’employeur durant le temps d’attente entre les différents CDD. La Cour de cassation réaffirme que la charge de la preuve pèse sur le salarié. Cass.soc.16.09.15, n°14-16277

En février 2005, un salarié a été engagé par contrat à durée déterminée et à temps partiel. Il a, depuis et jusqu’en août 2009, effectué 49 contrats à durée déterminée non successifs. Souhaitant faire requalifier ses différents CDD en CDI et réclamer les indemnités y afférentes, ainsi qu’un rappel de salaires pour les périodes interstitielles, le salarié a saisi le conseil des prud’hommes. 

 

Rappel des conséquences d’une requalification de CDD en CDI 

Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. En cas de manquement, le contrat de travail peut être réputé à durée indéterminée. Le salarié perçoit alors, s’il en fait à la demande, une indemnité au titre de la requalification de son contrat de travail (au moins égale à un mois de salaire), ainsi qu’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Par ailleurs, lorsque les CDD non successifs ont été requalifiés en CDI, le salarié peut également demander le rappel de salaires pour les périodes interstitielles, à la condition que le salarié se soit tenu à la disposition de l’employeur durant ces périodes (2). 

BON A SAVOIR : Cette solution est transposée de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de requalification de contrat de travail temporaire en CDI. L’intérimaire peut prétendre à un rappel de salaires au titre des périodes non travaillées entre plusieurs missions, dès lors qu’il s’est tenu à la disposition de l’entreprise pendant ces périodes pour effectuer un travail (3).  

 

Encore faut-il prouver que le salarié s’est tenu à la disposition de l’employeur. Sur qui repose la charge de la preuve, sur le salarié ou sur l’employeur ? La requalification de CDD non successifs en CDI suffit-elle à présumer que le salarié est resté à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles? C’est la question à laquelle, une nouvelle fois, la Cour de cassation a dû répondre. 

 

Pour les juges du fond : présomption en faveur du salarié 

La Cour d’appel juge que la requalification de CDD non successifs en CDI, fait présumer que le salarié est resté à la disposition de l’employeur durant les périodes d’attente entre les différents CDD. Pour les juges du fond, le salarié n’a pas à supporter la charge de la preuve (difficile à rapporter), c’est à l’employeur de démontrer que le salarié n’était pas à sa disposition pendant ces périodes. La Cour d’appel va même jusqu’à donner un exemple pour illustrer ses propos « le salarié a refusé de travailler pour l’entreprise entre deux contrats ». Elle étaye également sa solution en précisant que la société ne fait pas la démonstration qu’elle pourrait renverser cette présomption puisqu’elle ne produit à cet effet aucune pièce et que la démonstration par l’employeur que le salarié a perçu d’autres salaires pendant cette période à temps partiel ne suffit pas à elle seule à démontrer que le salarié ne s’est pas tenu à sa disposition. 

La Cour de cassation ne va pas dans le sens des juges du fond et rappelle sa position jurisprudentielle en la matière (qui n’a pas changé). 

 

Pour la Cour de cassation : pas de présomption, la preuve est à la charge du salarié 

Pour la Haute Cour le principe est clair en la matière : il appartient «au salarié d’établir qu’il s’était tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles », il n’y a donc pas de présomption (qu’il appartiendrait à l’employeur de renverser). La solution est, d’ailleurs, rendue au visa de l’article 1315 du Code civil «celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».  

En cas de requalification de plusieurs CDD non successifs en CDI, le salarié, qui souhaite obtenir le rappel de salaires durant les périodes interstitielles, doit prouver qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur durant les dites périodes. 

A la lecture des moyens annexés à l’arrêt, la Cour de cassation reproche aux juges du fond de renverser la charge de la preuve, en faisant peser sur l’employeur la démonstration d’un fait négatif selon lequel le salarié ne s’est pas tenu à sa disposition au cours des périodes non travaillées. Par ailleurs, la Haute Cour indique qu’un salarié ne peut pas à la fois être en mesure d’accomplir librement un travail pour d’autres employeurs (comme c’est le cas en l’espèce) et se tenir à la disposition permanente de l’employeur. Ceci est regrettable. En l’espèce, le salarié était embauché en CDD à temps partiel, aussi le fait de travailler chez un autre employeur durant les périodes interstitielles ne devrait pas faire obstacle à ce que le salarié puisse également être tenu à la disposition de l’employeur. 

Ce n’est pas la première fois que la Cour de Cassation réaffirme ce principe (4), ce qui explique sans doute que l’arrêt soit publié au bulletin alors que la solution n’est pas nouvelle. 

BON A SAVOIR : Les allocations chômages touchées par le salarié durant les périodes interstitielles ne font pas obstacle à ce que le salarié se tienne à la disposition de l’employeur (5). Par ailleurs, a été jugé que la salariée, contactée la veille pour le lendemain pour effectuer un CDD et qui n’avait pas d’autre choix que d’accepter pour continuer à obtenir d’autres contrats au sein de l’entreprise, restait bel et bien à la disposition de son employeur (6). 

 

 

 

(1) Il s’agit des périodes entre les différents CDD. 

(2) Cass.soc.22.09.10, n°09-42.344. 

(3) Cass.soc.09.12.09, n°08-41.737. 

(4) Cass.soc.10.12.14, n°13-22.422. 

(5) Cass.soc.25.06.13, n°11-22.646. 

(6) Cass.soc.03.06.15, n°14-15.587. 

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