Cet article a été initialement publié sur le site de l’organisation syndicale la CFDT
La chambre sociale de la Cour de cassation s’est penchée sur le sort réservé à l’indemnité de préavis lors d’un refus d’exécution du préavis sur le lieu de mutation. Pour les hauts magistrats un salarié licencié ayant refusé une mutation opérée en application d’une clause de mobilité est responsable de l’inexécution du préavis. Il n’a pas donc droit à l’indemnité compensatrice de préavis, peu important que l’employeur ne justifie d’aucun obstacle à la poursuite du contrat sur l’ancien lieu de travail jusqu’à la fin de la relation contractuelle. Cass. soc., 31 mars 2016, n°1419711.
Faits, procédure et problématique
Travaillant à l’agence d’Antibes mais rattaché contractuellement à l’établissement de Paris, un technicien s’est vu aviser par courrier de sa mutation. En application de la clause de mobilité insérée dans le contrat de travail, l’employeur a fixé son nouveau lieu de travail à Asnières-sur-Seine.
En principe, l’employeur peut imposer une mutation au salarié dont le contrat de travail comporte une clause de mobilité à la condition que celle-ci définisse de façon précise sa zone géographique d’application. L’employeur ne peut toutefois invoquer une clause de mobilité pour obliger le salarié à partager son temps de travail entre deux établissements de l’entreprise. Il est à noter que le salarié peut refuser l’application de la clause de mobilité lorsque sa nouvelle affectation s’accompagne de la modification de sa rémunération.
En l’espèce, l’employeur a justifié sa décision par la nécessité de regrouper l’ensemble des équipes de maintenances afin d’obtenir la certification ISO 9001.
Le salarié ayant refusé la mise en œuvre de la clause contractuelle de mobilité s’est vu notifier son licenciement.
La jurisprudence oppose le changement des conditions de travail à la modification du contrat de travail. Le changement des conditions de travail peut être imposé par l’employeur au salarié alors que la modification du contrat de travail requiert l’accord du salarié. En matière de lieu de travail, lorsqu’une clause de mobilité est insérée dans le contrat de travail, le salarié ne peut refuser l’application de cette clause (sauf abus de droit). Il s’agit alors d’un simple changement des conditions de travail dont le refus par le salarié peut constituer une faute justifiant un licenciement.
La cour d’appel estime que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse. Pour elle, la clause de mobilité est valide et sa mise en œuvre est justifiée par l’intérêt de l’entreprise. Elle adopte toutefois un tout autre raisonnement s’agissant du préavis. La cour considère en effet qu’il n’est pas contesté que le salarié a travaillé la veille du licenciement dans les locaux de la société à Antibes. La juridiction ajoute que l’employeur ne justifie d’aucun obstacle au maintien de cet aménagement jusqu’à la fin de la relation contractuelle. En conséquence pour la cour d’appel « le salarié est fondé à soutenir avoir été mis dans l’impossibilité d’exécuter son préavis dès lors que l’employeur a exigé que celui-ci soit effectué à Asnières alors même qu’il se trouvait licencié précisément au motif qu’il avait refusé sa mutation en ce lieu ».
L’employeur s’estimant lésé décide de porter l’affaire devant la Cour de cassation.
La haute Cour s’est alors penchée sur la possibilité pour un employeur d’imposer le lieu d’exécution du préavis et sur le sort des indemnités de préavis.
Le salarié qui refuse un changement des conditions de travail est responsable de l’inexécution du prévis
Les magistrats du Quai de l’Horloge donne raison à l’employeur et casse la décision de la cour d’appel. La Chambre Sociale de la Cour de cassation rappelle « que le refus d’un salarié de poursuivre l’exécution de son contrat de travail en raison d’un simple changement des conditions de travail décidé par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction rend ce salarié responsable de l’inexécution du préavis qu’il refuse d’exécuter aux nouvelles conditions et le prive des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés afférents ».
Autrement dit, le juge n’a pas à tenir compte de la possibilité ou non pour le salarié d’exécuter son préavis sur son précédent lieu de travail. L’employeur est en droit d’imposer le lieu d’exécution du préavis en application de la clause de mobilité. En conséquence le salarié qui refuse d’exécuter son préavis ne peut prétendre aux indemnités compensatrices de préavis.
Les hauts magistrats s’inscrivent dans la droite ligne de la jurisprudence puisque dans un arrêt rendu en 1997, la Cour de cassation avait déjà considéré que l’employeur pouvait imposer au salarié licencié d’exécuter son préavis dans les conditions refusées (1).
En principe, la clause de mobilité est présumée mise en œuvre de bonne foi. A cet égard il revient au juge de contrôler que son application ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du salarié à une vie personnelle et familiale (2).
La décision des juges n’est en l’espèce pas favorable au salarié mais il n’en demeure pas moins que le droit du salarié à une vie personnelle et familiale peut constituer un rempart à la mise en œuvre de certaines clauses.
(1) Cass.soc, 25.11.1997, n°95.44053.
(2) Cass.soc,14.10.2008 n°07.43701.