Le rapport Terrasse quand même mieux que s’il était pire

On pouvait craindre le pire du rapport Terrasse sur l’économie collaborative, et finalement, le pire n’est jamais sûr. Certes, il est truffé d’idées qui respirent la crainte de la rente face à l’innovation et s’en fait largement l’écho, mais il évite les propositions définitives que l’on met des années à combattre en vain. 

 

Rapport Terrasse, 2016 from Eric Verhaeghe

Terrasse et la peur de la rente face à la nouvelle économie

Sans surprise, le rapport Terrasse explique qu’il faut imposer des règles là où il n’y a pas encore de norme. Par construction, un rapport officiel écrit à la demande d’un ministre par un député ne peut pas se permettre d’écrire quelque chose qui voudrait dire: voilà un sujet dont la représentation nationale ne devrait pas s’occuper. Le seul fait que le gouvernement passe une commande sur la question manifeste bien son intention profonde de légiférer tôt ou tard. 

Sans surprise, les motifs de cette boulimie législative sont concentrés entre quelques mots magiques qui sont les mantras de l’élu contemporain. On prendra un exemple simple de ce sabir de la technostructure: 

Les plateformes jouent un rôle prescripteur qu’il s’agit de réguler : fiabiliser le référencement des offres et sécuriser les systèmes de notation. 

 

Il faut bien entendu “réguler” en “fiabilisant” et en “sécurisant”. Dans tous ces domaines, l’Etat qui a laissé faire le scandale du Mediator, qui laisse la SNCF dissimuler ses graves manquements à la sécurité, qui protège quelques grandes entreprises dans ses marchés publics, a fait la démonstration de son savoir-faire et peut donc légitimement intervenir. 

Chacun aura bien compris la logique de cette intervention: face à l’émergence d’une nouvelle économie, les rentiers du système demandent des normes protectrices à l’Etat. Il s’agit, bien entendu, de “clarifier les obligations et les protections propres à chaque type d’offre”. Il ne vient à l’idée de personne d’expliquer que l’économie collaborative a besoin d’être protégée contre les rentiers. Pour tout le monde, “les consommateurs doivent être informés des garanties dont ils ne bénéficient pas dans le cadre d’une relation de particulier à particulier”, histoire de bien rappeler que les plateformes sont un danger contre lequel il faut se prémunir. 

De ce point de vue, Terrasse n’échappe pas à la règle: il veut protéger ceux qui sont déjà sur le marché en restreignant l’accès de celui-ci à de nouveaux acteurs qui menacent les privilèges acquis. 

Terrasse et la protection sociale: encore du “jardin à la française”

Sur le sujet très attendu de la protection sociale appliquée aux plateformes collaboratives, Terrasse a évité le pire, même si son rapport partait mal. 

On n’a évidemment pas échappé à la ritournelle fondée sur des certitudes qui sont à la pensée ce que la roupie de sansonnet est au deutsche mark: 

L’amélioration de la protection sociale des travailleurs de plateformes s’inscrit dans le cadre plus général de la convergence des régimes de sécurité sociale 

 

N’imaginez donc pas, mes gaillards, que vous allez faire longtemps les malins. Votre destin est de payer, comme les salariés, pour un système qui avale votre argent comme Moloch-Baal avalait les enfants, pour ne recracher que des prestations de plus en plus low cost et indigentes. 

Le rapport n’échappe donc pas à l’affirmation doctrinale du Politbureau: 

Poursuivre la trajectoire de convergence entre la protection sociale des indépendants et celle des salariés. 

 

Cette réaffirmation du mantra qui soutient, contre toutes les évidences, qu’après le désastre du RSI, tout ira mieux en préparant le désastre d’une fusion avec le régime général, était une sorte de passage obligé dans les références religieuses du gouvernement profond exercé par la technostructure. On imagine bien que Terrasse n’a pas reçu d’Emmanuel Macron le droit de sortir seul dans la rue. Il était flanqué de deux commissaires politiques chargés de lui rappeler la doctrine en vigueur. 

On retrouve donc ici l’obsession du jardin à la française, c’est-à-dire de la réduction de la protection sociale à quelques structures publiques dont l’inefficacité est connue, mais qui donne l’illusion à la technostructure de “tenir le pays”. 

En revanche, on remerciera Pascal Terrasse de ne pas avoir poussé plus loin l’avantage en proposant des mesures plus drastiques ou plus rapides. 

Tout n’est pas perdu donc, pour ceux qui savent que la sécurité sociale constitue aujourd’hui le principal danger pour l’économie collaborative et que la seule façon de préserver la compétitivité de celle-ci consiste à maintenir l’obligation d’assurance, mais à instaurer la liberté de choix dans l’assureur. 

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