Le paritarisme est menacé par la réforme de l’assurance chômage selon FO

Cette publication provient du site du syndicat de salariés FO.

L’ensemble des interlocuteurs sociaux dont FO ont émis un avis défavorable le 16 juillet sur les trois projets de décret réformant l’Assurance chômage. Non seulement les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi vont être considérablement durcies, mais les organisations syndicales et patronales sont peu à peu écartées de la gestion de l’Assurance chômage. 

Les organisations syndicales et patronales gestionnaires de l’Assurance chômage ont été consultées le 16 juillet sur les trois projets de décret réformant l’Assurance chômage, dans le cadre de la Commission Nationale de la Négociation Collective, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (CNNCEFP). Elles ont toutes rendu un avis négatif. 

Un premier décret en Conseil d’État réécrit tout le règlement et l’essentiel des dispositions générales en matière d’Assurance chômage. Un second décret enConseil d’État met en œuvre les mesures annoncées dans la loi Avenir professionnel : ouverture de droits à l’Assurance chômage pour les démissionnaires et les indépendants, et expérimentation d’un journal de bord pour les demandeurs d’emploi. Le troisième décret fixe le montant de l’allocation pour les indépendants. 

Ces décrets sont la traduction concrète des annonces faites le 18 juin par le Premier ministre et la ministre du Travail, avec pour objectif 3,4 milliards d’euros d’économies en trois ans. Ils mettent notamment en place un durcissement des règles d’indemnisation pour les chômeurs dès novembre 2019, etun bonus-malus restreint à seulement sept secteurs d’activité pour les employeurs en 2021… 

FO dénonce une mise en cause du droit de la négociation collective 

S’ajoutent des mesures surprises qui s’attaquent au rôle des interlocuteurs sociaux dans la gestion de l’Assurance chômage. Ainsi, FO a découvert à la lecture des décrets que la convention Unédic du 14 avril 2017 allait être abrogée. Elle sera remplacée par un règlement défini unilatéralement par le gouvernement et qui s’appliquera jusqu’en 2022. Le décret prévoit aussi que l’Unedic consacrera 11% de ses fonds au financement de Pôle emploi, contre 10% actuellement. Cette majoration, qui équivaut à plus de 370 millions d’euros, se fait au titre du renforcement de l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Autant dire que ce sont les demandeurs d’emploi qui paieront leur accompagnement, a réagi FO. 

Enfin, la revalorisation du montant des allocations chômage, qui était décidée chaque été par le conseil d’administration de l’Unédic, est transférée à l’État. Elle se fera désormais une fois par an par arrêté du ministre du Travail. Après une lettre de cadrage délibérément contraignante, des ingérences publiques répétées de l’exécutif dans le cours de la négociation, il y a là une étape supplémentaire grave, mettant en cause le droit de la négociation collective, protégé par les principes et droits fondamentaux au travail édictés par l’OIT, dénonce la confédération FO. 

Travailler en s’appauvrissant 

Les décrets confirment le durcissement des conditions d’indemnisation des demandeurs d’emploi, qui va toucher les plus précaires. A partir du 1er novembre 2019, il faudra avoir travaillé six mois sur 24 mois – contre quatre mois sur 28 actuellement – pour ouvrir des droits. Avec ça, 500 000 demandeurs d’emploi ne pourront pas entrer dans les droits, dénonce Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO chargé de l’emploi. 

Par ailleurs, à partir du 1er avril 2020, l’allocation chômage sera calculée à partir du « salaire journalier moyen de référence ». Concrètement, l’ensemble des salaires perçus au cours de la période seront divisés par le nombre de jours de cette même période et non plus sur les seuls jours travaillés. 

Ce nouveau calcul devrait impacter plus de 2 millions de personnes qui travaillent de manière discontinue. Michel Beaugas rappelle que la moitié des demandeurs d’emploi indemnisés travaillent. Avec la réforme, certains, qui ne travaillent que quelques jours dans le mois, pourraient voir leur indemnisation divisée par trois. Ils vont être obligés de prendre n’importe quel boulot, alerte Michel Beaugas. J’ai demandé en CNNCEFP si l’objectif était d’amener les gens à travailler en s’appauvrissant, sur le modèle allemand. Là-bas on compte 15% de travailleurs pauvres, il leur faut quatre mini jobs pour vivre. En France, on en est encore à 8%. 

Le journal de bord, futur outil de contrôle ? 

Michel Beaugas redoute également l’expérimentation du journal de bord dans lequel le demandeur d’emploi devra inscrire mensuellement ses démarches. Pour l’instant, ce journal de bord ne sert pas à faire un contrôle mais la dérive pourrait venir très rapidement, s’inquiète-t-il. Ma crainte, c’est qu’un demandeur d’emploi qui ne le remplit pas ne puisse pas s’actualiser. Son conseiller sera alerté. Ça passera une fois mais la deuxième, il sera radié un mois pour défaut de recherche d’emploi. 

Ce dispositif doit être expérimenté dans deux régions, en Bourgogne Franche-Comté et en Centre Val de Loire. Ce sont des régions où 92% des demandeurs d’emploi s’actualisent déjà par internet, explique Michel Beaugas. J’ai demandé quelle solution allait être trouvée pour les 8% qui ne le font pas, mais je n’ai pas eu de réponse. 

En ce qui concerne les démissionnaires, ils pourront prétendre à une allocation chômage à condition d’avoir au moins cinq ans d’ancienneté et de faire valoir un projet professionnel réel et sérieux. Le risque est qu’à l’avenir, l’employeur demande au salarié de démissionner s’il veut se former dans le cadre d’une reconversion professionnelle, prévient Michel Beaugas. Il y aurait un transfert du financement de la formation professionnelle vers Pôle emploi. Je l’ai rappelé en CNNCEFP et personne n’a nié. 

Les décrets doivent maintenant être soumis au Conseil d’État avant leur publication dans les prochaines semaines. 

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