Cet article est paru sur le site du syndicat de salariés FO.
L’accord national interprofessionnel relatif aux retraites complémentaires Agirc-Arrco du 30 octobre 2015, que Force Ouvrière a vivement contesté et refusé de signer, va desservir encore un peu plus les retraitées comme les futures retraitées.
L’UCR-FO considère que cet accord néglige, voire dédaigne, la situation des femmes retraitées tant ses conséquences vont aggraver les inégalités dont elles sont victimes. On peut même dire que c’est à une attaque en règle et à une paupérisation des retraitées que se sont livrés ses signataires, avec, en chef de file des organisations salariales, la CFDT.
Il faut garder à l’esprit qu’avec 967 € bruts par mois en moyenne, la pension de droit direct des femmes est inférieure de 40 % à celle des hommes (1 617 €) et se situe en dessous du seuil de pauvreté mensuel* (fixé à 987 euros en 2013). La faiblesse du niveau de vie est particulièrement marquée pour les femmes divorcées à la retraite, dont le niveau de vie moyen est inférieur de 24 % à celui des hommes et femmes vivant en couple. Les femmes veuves, qui représentent la moitié des effectifs de retraités vivant seuls, ont un niveau de vie moyen inférieur de 19 % aux retraités en couple et, entre 2007 et 2013, 15,5 % des retraitées vivant seules se trouvent en-dessous du seuil de pauvreté*.
Il est vrai que les injustices professionnelles, les inégalités de carrières et de salaires entre les hommes et les femmes ont la vie dure ! Elles perdurent une fois l’âge de la retraite atteint. Et, compte tenu de la conjoncture, l’éventualité que cet écart puisse se combler dans un futur proche (de vingt à trente ans !) s’avère plus qu’improbable. Faisant fi de cette réalité, l’accord sur les retraites complémentaires affiche une intention fallacieuse de préserver les basses pensions, notamment celles des femmes.
• Nous pouvons en faire la démonstration au regard d’une simulation sur la situation de Claudine, retraitée, qui ferait liquider sa retraite d’un montant total de 967 par mois (CNAV : 645 € + Arrco : 322 €), mariée à Paul dont la retraite mensuelle s’élèverait à 1 000 €, sur la base des seuils en vigueur en 2015.
Au préalable, des précisions s’imposent : l’accord exclut du dispositif d’abattement sur le montant de leur retraite complémentaire, les personnes exonérées de CSG en raison du revenu fiscal de référence de leur foyer et prévoit en outre l’application d’un abattement réduit lorsque les revenus se trouvent assujettis à la CSG à taux réduit. Ce critère fis cal, connu des signataires, est basé sur le revenu du couple et non pas sur le revenu du ou de la retraitée.
Examen des critères relatifs aux conditions d’application de la CSG qui déterminent l’abattement.
La retraite de Claudine étant supérieure au minimum vieillesse (800,00 €/mois), les ressources du couple de l’avant-dernière année étant supérieures au seuil d’exonération de la CSG (16 311 € pour un couple), la retraite de Claudine ne serait donc pas exonérée de CSG.
En 2015, les revenus 2013 du couple étant supérieurs aux seuils d’exonération de la CSG et supérieurs au seuil plancher fixé à 21 322 €, Claudine ne pourrait bénéficier du taux réduit de CSG.
En conclusion :
Sur la base des seuils en vigueur en 2015 et dans l’hypothèse où Claudine ne repousserait pas sa date de retraite complémentaire de quatre trimestres au-delà de la date d’obtention de sa retraite de base à taux plein, l’application de l’accord Agirc-Arrco ferait subir à Claudine un abattement de 10 % sur le montant de sa retraite Arrco à partir de la liquidation de sa retraite, et ce pendant trois ans. Cela se traduirait par une ponction de 32,2 € pour un mois, soit une somme totale de 1 159,20 €pour trois années. Avec une retraite de 967 €, inférieure au seuil de pauvreté, la retraite Arrco de Claudine serait pleinement impactée par le dispositif d’abattement issu de l’accord Agirc-Arrco du 30 octobre 2015.
Et il est à craindre que la situation de Claudine ne reste pas un cas d’école, tant s’en faut. Sachant que dans une grande majorité de couples, la femme perçoit une retraite inférieure à celle de son conjoint, les situations similaires risqueront fort de se multiplier en 2019, date d’entrée en vigueur des mesures d’abattements improprement dénommées « coefficients de solidarité ».
Doit-on en déduire que pour les signataires, les retraitées comme Claudine ne sont pas des retraitées modestes ? Une chose est certaine, les mesures mises en œuvre par les signataires de cet accord ne permettront pas de réduire les inégalités de retraite entre les retraites des femmes et celles des hommes. Pour Force Ouvrière, la négociation Agirc-Arrco aurait dû s’orienter sur d’autres pistes.
* Le seuil de pauvreté est fixé de façon relative. On considère comme pauvre une personne dont les revenus sont inférieurs à un certain pourcentage du revenu dit « médian » qui partage la population en deux catégories (autant gagne moins, autant gagne davantage). Ce pourcentage est le plus souvent fixé à 60 % du revenu médian de l’année.