Le MEDEF vient de perdre une bataille dans la guerre sanglante qu’il mène, sur le terrain de la représentativité patronale, à l’UPA et à la CGPME. La question prioritaire de constitutionnalité qu’il a introduite contre la loi du 5 mars 2014 qui accorde la représentativité aux organisations patronales dont les entreprises adhérentes à jour de leur cotisation représentent au moins 8 % de l’ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d’employeurs de la branche vient de faire chou blanc. Le Conseil Constitutionnel a en effet considéré que cette disposition ne violait ni la liberté syndicale ni le principe d’égalité. Les efforts conduits par le bien connu Jean-Jacques Gatineau pour améliorer le texte en vigueur sont donc restés vains.
Respect du principe d’égalité
On se souvient que le MEDEF enrage de voir les TPE et les PME traitées à égalité avec les grandes entreprises dans le calcul des voix ouvrant droit à la représentativité. Pour les grandes entreprises, la technique de calcul prévue par la loi met sur un pied d’égalité l’artisan du coin et la grande entreprise capitalistique. Tout l’enjeu consiste donc à comprendre en quoi doit consister l’égalité. Avec une réelle audace du paradoxe, le MEDEF a soutenu que la méthode… était inégalitaire.
La réponse du Conseil Constitutionnel est on ne peut plus claire:
en prévoyant que l’audience d’une organisation professionnelle d’employeurs se mesure en fonction du nombre des entreprises adhérentes à cette organisation, le législateur a traité de la même manière l’ensemble des entreprises ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit être écarté ;
Les spécialistes du sujet resteront donc sur leur faim: on aurait aimé une analyse un peu plus approfondie et un peu plus éclairante que ce simple constat d’une “égalité” entre tous. En creux, on lit donc dans la décision du Conseil Constitutionnel un principe très marxiste qui met fin à deux décennies de posture patronale: les mouvements d’employeurs représentent les patrons et non les entreprises. Et un patron est un patron, qu’il compte un ou mille salariés. Plus rien ne s’oppose, désormais, à un abandon de l’acronyme “MEDEF” pour un retour au CNPF. La famille Gattaz appréciera sans doute le clin d’oeil.
Triomphe d’une logique de classe
C’est probablement de cette façon qu’il faut lire la décision, dont la première partie revient sur les considérants du MEDEF. Assez habilement, le MEDEF avait avancé que les salariés des grandes entreprises seraient moins bien pris en compte que les autres du fait de la technique de calcul de la représentativité. Implicitement, l’argument reposait sur l’idée que le MEDEF représentait les entreprises et non seulement les employeurs. Le Conseil ne l’a pas entendu de cette façon:
le droit de participer « par l’intermédiaire de leurs délégués » à « la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises » a pour bénéficiaires, sinon la totalité des travailleurs employés à un moment donné dans une entreprise, du moins tous ceux qui sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu’elle constitue, même s’ils n’en sont pas les salariés ; que le huitième alinéa, qui consacre un droit aux travailleurs, par l’intermédiaire de leurs délégués, à la participation et à la détermination collectives de leurs conditions de travail, ne confère aucun droit équivalent au bénéfice des employeurs
Voilà qui est clair: le monde est divisé entre les travailleurs qui ont des droits collectifs, et les employeurs, qui n’en ont pas.
Intellectuellement, le MEDEF constate donc l’impasse de son ambition à dépasser la représentation des intérêts patronaux pour s’élever à la représentation des entreprises.
Reste à savoir si le MEDEF parviendra à modifier la loi. Compte tenu de la décision qui vient d’être prise, la guerre semble bel et bien perdue.