Le juge confirme l’exclusion d’un militant CFDT adhérent au FN

Cet article est issu du site du syndicat de salariés CFDT.

L’appartenance au Front national est inconciliable avec les valeurs de la CFDT et peut justifier une exclusion. Il est des victoires qui sont autant politiques que juridiques. La décision rendue par le TGI de Paris au profit de la CFDT est de celles-ci. Le syndicat SYNAFOR, soutenu et accompagné par la Confédération, avait pris la décision d’exclure un de ses membres qui se revendiquait publiquement (presse écrite, radio) d’appartenir tout à la fois au Front national et à la CFDT. Une exclusion contestée devant le TGI de Paris, à la fois sur la forme et sur le fond. Dans un jugement du 21 novembre dernier, le tribunal vient de rejeter la demande de l’ex-adhérent, dans un jugement revêtu d’une particulière force et clarté. 

Un adhérent CFDT, élu conseiller prud’homal, s’est présenté, lors des élections municipales de 2014, sur la liste du Front National. Alerté, son syndicat (le Synafor) lui a rapidement fait savoir que cette candidature, et la propagande qui l’entourait, était incompatible avec les valeurs de la CFDT. Sommé de choisir, l’adhérent a refusé. S’en sont suivis de longs échanges écrits et oraux, au cours desquels se sont opposées les deux visions : liberté d’opinion contre liberté d’association. 

Le syndicat CFDT, accompagné par la Confédération, a finalement procédé à l’exclusion de l’adhérent en question, en juillet 2015. Elu par la suite conseiller régional sur la liste Front national, l’ancien adhérent a toutefois continué de contester son exclusion. Il a assigné le syndicat devant le Tribunal de grande instance de Paris début 2016, réclamant l’annulation, à la fois sur le fond et sur la forme. 

 

La décision du TGI, qui donne entière satisfaction à la CFDT, est majeure, en ce qu’elle reconnaît les valeurs défendues par l’organisation comme le ciment de l’adhésion syndicale. 

 

  • Sur la forme : la régularité procédurale de la décision

Au préalable, le tribunal rappelle le principe selon lequel « les droits de la défense et le principe du contradictoire doivent être respectés lors d’une procédure disciplinaire mise ne place dans le cadre associatif ou syndical. La décision prise irrégulièrement encourt la cassation  

Le principe du contradictoire et les droits à la défense  

L’adhérent exclu soutenait devant le tribunal que le syndicat n’avait pas respecté ses droits à la défense. Il considérait notamment qu’il n’aurait pas bénéficié d’une procédure contradictoire lui permettant de connaître les motifs de son exclusion. Pourtant, lors de cette procédure, une attention toute particulière avait été porté sur le respect du principe du contradictoire par l’équipe CFDT du Synafor. 

Le tribunal, reconnaissant cet état de fait, liste l’ensemble des éléments permettant d’attester de la régularité de la procédure sur ce point : 

– L’adhérent a bien reçu une convocation en Lettre recommandée avec accusé de réception en vue de son audition par le conseil syndical, 

– Le courrier de convocation précisait les motifs de la convocation (intervention dans la presse sur son appartenance au Front National et à la CFDT), 

– l’éventualité d’une sanction pouvant aller jusqu’à l’exclusion, l’heure et la date de la réunion, 

– Plusieurs articles de presse dans lesquels l’adhérent s’exprimait sur ses convictions politiques étaient annexés à cette convocation. 

– Le syndicat a accepté, à la demande de l’adhérent, un report de la date de convocation, afin de lui permettre de s’y préparer, 

– Il était assisté, lors de la convocation, par son avocat. 

L’adhérent reprochait également au syndicat de ne pas lui avoir laissé la possibilité de s’expliquer sur ses prises de position dans la presse.  

Le tribunal relève, à l’inverse, que le PV établi lors de l’audition indiquait que l’adhérent avait été invité à expliquer ses positions publiques au regard de ces valeurs syndicales, et que c’est l’adhérent qui aurait refusé de s’expliquer. 

Au regard de l’ensemble des éléments repris ci-dessus, le tribunal en déduit que « les droits de la défense et le principe du contradictoire ont bien été respectés ».  

Sur les statuts et règlement intérieur du syndicat 

Autre motif de contestation, toujours de forme, rapporté par l’ancien militant : le fait que les textes statutaires du syndicat ne prévoyaient pas cette faculté d’exclusion. 

Le tribunal, au regard des statuts, a pu vérifier qu’ils autorisaient bien l’exclusion et prévoyaient précisément les motifs de celle-ci, ce qui était le cas en l’espèce. 

Le tribunal a donc vérifié que le conseil syndical avait bien la capacité de prononcer l’exclusion: le conseil syndical étant de « droit l’instance de jugement envers tout conflit pouvant survenir dans la vie du syndicat », il avait parfaitement le pouvoir d’exclure l’adhérent. 

Enfin, en ce qui concerne l’absence de précisions quant à la procédure d’exclusion dans le règlement intérieur du syndicat, le tribunal retient que cela ne « saurait néanmoins justifier l’annulation de la décision ». Ceci dans la mesure où, dans les faits, la procédure suivie par le syndicat apparaît irréprochable au regard des droits de la défense. 

  • Sur le fond : CFDT et FN, des valeurs en opposition, justifiant l’exclusion

Le syndicat a notifié sa décision d’exclusion par LRAR, dans laquelle il en explique les motivations. Les prises de positions dans la presse, s’assimilent à « la mise en œuvre d’une pratique contraire à la conception du syndicalisme défini dans la déclaration de principe, les statuts et les congrès de la CDFT. En effet, alors que l’une des valeurs de la CFDT est la solidarité entre les travailleurs, entre les salariés et demandeurs d’emploi, entre les générations et plus largement entre les peuples, le Front National, xénophobe, milite contre l’Europe et pour la préférence nationale dans l’application des lois de la République. Il est donc incompatible de se revendiquer de valeurs de la CFDT et de militer pour la promotion des idées du Front National ». 

La liberté d’expression et liberté d’association 

L’adhérent contestait son exclusion considérant qu’elle constituait une atteinte à sa liberté d’expression et d’opinion.  

Pour la CFDT, la liberté d’association suppose la rencontre d’individus, guidés par des valeurs communes. Une affection societatis qui fait obstacle à ce que certains de ses membres porte des valeurs en contradiction frontale avec celle de l’association ou du syndicat. 

Face à ces deux libertés fondamentales mise en opposition, le tribunal a retenu tout d’abord que le syndicat n’avait pas porté atteinte à la liberté d’expression de l’ancien adhérent. Le fait de le priver de son droit d’affiliation syndicale n’était pas de nature à le restreindre dans son droit d’exprimer ses opinions.  

En ce qui concerne la liberté d’association, le tribunal rappelle que celle-ci « permet à des personnes mues par des valeurs ou idéaux particuliers et ayant l’intention de poursuivre des buts communs de se réunir pour défendre leurs intérêts ». De cette définition découle la faculté pour le syndicat de décider, à travers ses statuts, de traiter des questions relatives à l’admission ou à l’exclusion de ses adhérents. 

Après avoir rappelé ces principes, le tribunal a vérifié en l’espèce si la liberté d’association pouvait permettre au syndicat d’exclure un adhérent ne partageant pas les valeurs de l’organisation à laquelle il adhère.  

En l’espèce, il constate que oui. 

L’article 1er des statuts de la Confédération énonce que l’action de la CFDT est porteuse de valeurs telle que par exemple l’égalité, se traduisant par la lutte contre toutes les formes d’exclusion, de discrimination, de racisme, de xénophobie. 

Or l’ex-adhérent se revendiquait ouvertement et publiquement de valeurs et d’idéaux en contradiction avec ceux défendus par le syndicat. Le tribunal souligne que « c’est le cas pour la question de la préférence nationale, mise en exergue dans certains propos tenus, ou encore lorsqu’il fait référence au regroupement familial. » 

Sans l’affirmer directement, le tribunal confirme que dans une telle situation, le syndicat est en droit de prononcer l’exclusion de l’adhérent. 

La question de la discrimination 

L’adhérent considérait que son exclusion repose sur un motif discriminatoire car intervenue en raison de ses opinions politiques. 

Après avoir rappelé que l’infraction de discrimination prévue au code pénal ne relève pas de sa compétence, le tribunal explique néanmoins que la décision du syndicat n’était pas uniquement fondée sur les opinions politiques de l’adhérent, mais également sur son comportement consistant à des prises de position publiquement sur certains sujets en contradiction frontale avec les valeurs et directives du syndicat auquel il avait adhéré. Il ne s’agissait pas là d’une simple opinion, mais d’une expression de cette opinion. Le tribunal évoque un « comportement consistant à prendre publiquement position sur certains sujets en contradiction frontale avec les valeurs et directives auxquelles il s’est engagé à adhérer lorsqu’il s’est affilié à ce syndicat. » 

 

Le tribunal vient donc confirmer en tout point la décision du syndicat et la procédure suivie et reconnaît, en creux, qu’il est incompatible de se revendiquer de valeurs de la CFDT et de militer pour la promotion des idées du Front National. Un succès pour la CFDT qui, espérons-le, seul de cette série. Si une telle situation devait se reproduire, cette décision pourra utilement guider les équipes pour ne pas entrer en contradiction avec la liberté d’opinion de leurs adhérents.  

 

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