L’information vient de la bouche du rapporteur lui-même de la loi Travail, le député Christophe Sirugue: 40 voix socialistes manqueront au gouvernement pour faire adopter la loi Travail. Cet élément essentiel accroît le sentiment d’amateurisme et d’impréparation qui préside à l’ensemble du processus mis en branle par le gouvernement depuis plusieurs mois autour de cette loi. On se souvient ici qu’un bref débat avait eu lieu sur la nécessité de recourir ou non au 49-3 pour faire adopter le texte. Myriam EKhomri l’avait soutenu dans une interview avant d’être formellement démentie par le Premier Ministre. L’Histoire pourrait montrer qu’elle avait raison et lui tort. Quatre ans après l’arrivée d’une nouvelle majorité, ce genre de revirements, on en conviendra, fait tache et illustre le discrédit profond qui frappe le Président de la République.
L’alternative complexe de Manuel Valls
Face à l’indication donnée par Christophe Sirugue le jour même où le débat sur la loi commence en séance publique, Manuel Valls se trouve confronté à un dilemme complexe, si tant est qu’il veuille commettre la folie, en terme d’intérête général, de ne pas retirer son texte.
Première branche de l’alternative: il va au vote, et accepte donc de jeter du lest pour faire passer le texte auprès des 40 voix manquantes. La folie de cette solution est bien connue: la loi perdra tout son contenu “flexibilité”, et verra son contenu “sécurité” enrichi. Cette voie est suicidaire pour le pays. On sera donc parti d’un texte supposé desserrer l’étau réglementaire qui étouffe les entreprises, et on arrivera à un texte qui le renforce.
Deuxième branche de l’alternative: Valls change son fusil d’épaule et donne sa préférence au 49-3. Ce revirement est toujours possible, puisque la Constitution limite l’usage du 49-3 à un seul texte par session. En revanche, il fâche l’opinion et la majorité et présente surtout l’inconvénient majeur de graver dans le marbre le texte tel qu’il est. Or, celui-ci est le résultat d’un compromis décevant, et Valls prend alors le risque de passer en force sur un texte qui ne satisfait personne.
Voilà qui s’appelle être pris dans la nasse.
FO prépare ses billes
Le choix, pour Manuel Valls, est cornélien et sera de toute façon mauvais. A lui, maintenant, de mesurer quelle issue est la moins pire.
Ses adversaires ne s’y sont pas trompés. Jean-Claude Mailly a désormais abandonné sa posture favorable au retrait du texte, et milite désormais pour une guerre d’amendements. Il sait pertinemment qu’à ce jeu-là, ce sont les 40 derniers députés qui remporteront la bataille, puisque leur coix aura un bénéfice marginal très supérieur à celui des premiers.
Pour les entreprises, cette affaire montre une nouvelle fois combien il devient urgent de changer de régime et de modifier en profondeur les institutions. Il n’est plus possible que les comptes d’exploitation se trouvent à la merci d’arbitrages hors sol qui ne reposent que sur des calculs politiciens.