Le destin du patronat entre les mains des Sages

Après avoir répondu à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur la répartition des fonds du paritarisme, le Conseil constitutionnel devrait bientôt rendre sa réponse à une QPC posée par Maître Jean-Jacques Gatineau, représentant le MEDEF, l’UIMM, la Fédération bancaire française, la Fédération du commerce et de la distribution, le Prism’ Emploi, la Fédération française des industries de santé, la Fédération Syntec, la Fédération nationale des travaux publics, la FFB et la FFSA. Cette question concerne l’un des critères de représentativité. Elle a été transmise par le Conseil d’Etat le 9 novembre dernier et les personnes intéressées avaient jusqu’à hier pour déposer leurs demandes en intervention. BI&T ne manquera pas de suivre les évolutions de cette QPC. 

 

La contestation du mode de mesure de l’audience

Les organisations requérantes contestent plusieurs dispositions de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale qui modifient la rédaction des articles L. 2151-1 et L. 2152-4 du Code du travail. 

Dans sa nouvelle rédaction, l’article L. 2151-1 du Code du travail précise à son 6° que, parmi les critères de représentativité des organisations professionnelles d’employeurs, se trouve celui de “l’audience qui se mesure en fonction du nombre d’entreprises adhérentes et, selon les niveaux de négociation, en application du 3° des articles L. 2152-1 ou L. 2152-4 “. 

Le 3° de l’article L. 2152-1 du même code auquel il est fait référence prévoit qu’au niveau des branches professionnelles, sont représentatives les organisations professionnelles d’employeurs “dont les entreprises adhérentes à jour de leur cotisation représentent au moins 8% de l’ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d’employeurs de la branche satisfaisant aux critères mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 2151-1 et ayant fait la déclaration de candidature prévue à l’article L. 2152-5″. 

Le 3° de l’article L. 2152-4 du Code du travail prévoit quant à lui que sont représentatives, au niveau national et interprofessionnel, de telles organisations “dont les entreprises et les organisations adhérentes à jour de leur cotisation représentent au moins 8 % de l’ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d’employeurs satisfaisant aux critères mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 2151-1 et ayant fait la déclaration de candidature prévue à l’article L. 2152-5”. 

 

La loi du 5 mars 2014 pose ainsi une double condition pour qu’une organisation professionnelle d’employeurs soit reconnue représentative. D’abord elle doit réunir des entreprises à jour de leur cotisation. Ensuite, ces entreprises doivent représenter au minimum 8% de toutes les entreprises qui adhèrent à une organisation professionnelle d’employeurs. 

C’est donc en fonction du nombre d’entreprises adhérentes, quelle que soit leur taille, que l’audience des organisations d’employeurs sera donc appréciée. Ce que ne goûtent pas du tout les organisations d’employeurs requérantes. 

 

Une décision attendue et redoutée par les organisations patronales

Le MEDEF et les autres organisations d’employeurs considèrent que le nouveau mode de mesure de l’audience va à l’encontre du principe de participation à la négociation collective découlant des 6e et 8e alinéas du Préambule de la Constitution de 1946. Les requérants considèrent que ces mesures sont inconstitutionnelles car elles “fondent la mesure de l’audience des organisations professionnelles d’employeurs sur le nombre d’entreprises qui y sont adhérentes, qu’elles aient ou non des salariés et sans tenir compte du nombre de ces derniers”. 

Il est intéressant que les organisations patronales portent cette question autour de l’assiette de la représentativité devant les Sages. En effet, le débat sur ce sujet est déjà bien lancé entre MEDEF, CGPME et UPA. Ces 3 organisations s’étaient retrouvées le 16 novembre dernier pour tenter de trouver un compromis : le MEDEF demande à ce que la représentativité tienne compte du nombre de salarié des entreprises adhérentes tandis que l’UPA et la CGPME souhaitent l’inverse. Mais cette réunion n’a rien donné et les 3 organisations d’employeurs n’ont pas trouvé de point d’entente : la loi du 5 mars 2014 donne raison, pour le moment, à l’UPA et à la CGPME. 

C’est dans ce contexte conflictuel que les Sages devront se prononcer sur la constitutionnalité du nouveau mode de mesure de l’audience des organisations d’employeurs. La loi confirme actuellement la position de l’UPA et de la CGPME, mais cela pourrait changer dans les jours à venir. La décision du Conseil constitutionnel est donc très attendue et à la fois redoutée par les organisations patronales qui devront s’y conformer sans broncher. 

 

Cet article a été publié sur Décider et Entreprendre

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