Le Conseil Constitutionnel répondait, jeudi dernier, à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la CGT sur la répartition des fonds du paritarisme, prévue par la loi de mars 2014. De fait, cette loi ne manque pas de surprendre puisqu’elle prévoit une répartition égalitaire entre tous les syndicats de salariés alors qu’elle lie la répartition des fonds à l’audience pour les organisations patronales. A l’issue de la loi de 2008 sur la représentativité syndicale, qui favorise la prise en compte de l’audience, les organisations de salariés avaient donc de bonne chance d’obtenir une décision qui leur fût favorable.
C’est pourtant une fin de non-recevoir que le Conseil Constitutionnel a opposé à la centrale de Montreuil, en posant deux principes très peu argumentés.
Premier principe: la constitutionnalité d’une répartition égalitaire.
“en prévoyant que les crédits du fonds paritaire sont répartis de manière uniforme entre les organisations syndicales de salariés, les dispositions contestées, loin de porter atteinte à la liberté syndicale et au principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, mettent en œuvre ces exigences constitutionnelles”
Même en retenant l’hypothèse que le recours de la CGT, représentée par Thomas Lyon-Caen, était mal rédigé, cette décision mal argumentée du Conseil Constitutionnel pose quand même problème. On voit mal comment la participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail est respectée quand la somme attribuée est la même pour un syndicat qui représente 10% des salariés et pour un syndicat qui en représente le triple. Cela ne signifie pas que cette position n’est pas défendable, mais elle mérite pour le moins un minimum d’argumentation, qui fait cruellement défaut à la décision des Sages.
Deuxième principe: la loi peut poser des règles différentes pour les patrons et pour les salariés.
“Considérant que les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs ont pour objet la défense des droits et des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des salariés, pour les premières, et des employeurs, pour les secondes ; que la nature des intérêts que ces deux catégories d’organisations défendent les place dans une situation différente au regard des règles qui organisent le paritarisme ; qu’ainsi, en prévoyant que le montant des crédits alloués aux organisations syndicales de salariés au titre de la mission liée au paritarisme est réparti de façon uniforme entre elles, alors même que d’autres règles sont prévues pour la répartition du montant des crédits alloués aux organisations professionnelles d’employeurs à ce titre, le législateur a traité différemment des situations différentes ; que cette différence de traitement est en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit être écarté”
Là encore, il est étonnant de voir le Conseil Constitutionnel se borner, pour justifier les différences de traitement entre les partenaires sociaux, à constater que “la nature des intérêts que ces deux catégories d’organisations défendent les place dans une situation différente au regard des règles qui organisent le paritarisme”. Cette évidence n’explique en effet pas en quoi la différence de situation entre patrons et salariés justifie, sur la question de la répartition des fonds du paritarisme, une différence de traitement.
Cette question restera malheureusement sans réponse, puisque le Conseil Constitutionnel ne revient jamais sur ses jurisprudences, même lorsqu’elles sont si inconsistantes et mal rédigées. Encore un coup de couteau donné dans une réforme de la représentativité qui aurait pu apporter beaucoup à la démocratie sociale!