Le délégué syndical qui renonce à son mandat doit obligatoirement en informer son employeur

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat CFDT

 

Un délégué syndical peut-il mettre fin à son mandat par simple déclaration écrite à son employeur ? Tel n’est pas le cas selon la Cour de cassation qui exige que le syndicat l’ayant désigné soit informé de cette renonciation. Saisie par la même occasion de la conformité du Code du travail à la convention OIT 158, la Cour de cassation a considéré que la convocation à l’entretien et la tenue de celui-ci sont suffisantes pour garantir le droit à la défense du salarié, quand bien même les griefs ne seraient pas énoncés avec précision dans la lettre de convocation. Cass.soc.6.04.16, n°14-23198. 

 

  • Faits, procédure et prétentions

Un salarié est embauché en 2003 en tant que maître d’hôtel et, devenu responsable restauration, il est désigné délégué syndical en février 2008. En octobre 2009 cependant, il est l’objet d’une convocation à un entretien préalable à son licenciement pour faute grave. 

Sur ce, le militant saisit la juridiction prud’homale pour voir dire que son licenciement est nul et fait valoir deux arguments principaux. 

D’abord, il prétend que la lettre de convocation à l’entretien préalable ne respecte pas son droit à la défense garanti en matière de licenciement par la Convention OIT 158. 

Les articles L.1232-2 et L.1232-3 du Code du travail prévoient les modalités de convocation et de tenue de l’entretien préalable à un licenciement pour motif personnel. Selon le premier de ces textes, l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en mains propres et cet entretien doit se tenir après un délai de 5 jours suivants la présentation de cette lettre. Selon le second, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié pendant l’entretien. 

Par ailleurs, il fait valoir que le licenciement est intervenu en violation du statut protecteur, puisque l’employeur n’en avait pas demandé l’autorisation. Ce à quoi, l’employeur répond que le militant lui avait adressé une lettre de renonciation à son mandat de délégué syndical. 

Les juges d’appel ayant rejeté la demande du salarié tendant à l’annulation de son licenciement, celui-ci a formé un pourvoi et la Cour de cassation a donc examiné tour à tour ces deux questions. 

  • Conformité du Code du travail à la Convention OIT 158 et au droit à la défense

Le militant se prévalait de la Convention OIT n°158, en son article 7, qui garantit le droit à la défense du salarié lorsqu’est envisagé son licenciement pour motif personnel. Selon ce texte, ratifié par la France : « Un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l’on ne puisse pas raisonnablement attendre de l’employeur qu’il lui offre cette possibilité. » Ce dont ce salarié déduit que la lettre de convocation à l’entretien doit indiquer précisément les griefs retenus à son encontre. 

Le militant misait ainsi probablement non seulement sur le texte OIT, mais aussi sur la tentation pour les juges d’extension de leur jurisprudence relative à la lettre de licenciement, qui exige qu’y soient énoncés des griefs suffisamment précis et matériellement vérifiables (1). 

Pour autant, la Cour de cassation n’a pas répondu favorablement à cette tentative. La haute juridiction a estimé que : « l’énonciation de l’objet de l’entretien dans la lettre de convocation adressée au salarié (…) et la tenue de d’un entretien préalable au cours duquel le salarié, qui a la faculté d’être assisté, peut se défendre contre les griefs formulés par l’employeur » suffisent à garantir ses droits, les prescriptions des articles L1232-1 à L1232-3 du Code du travail respectant selon elle la Convention OIT. 

Occasion manquée en tous cas de voir renforcer le droit à la défense du salarié. Le seul fait d’être convoqué à un entretien préalable au licenciement ne permet pas toujours de savoir ce qu’on vous reproche exactement. Aussi est-il difficile, en méconnaissance des griefs précis que l’employeur retient contre vous, de se préparer à l’entretien, bref de se défendre de manière pertinente… 

  • La renonciation au mandat syndical est soumise aux règles du droit civil

En revanche, la Cour de cassation retient l’argumentation du militant et casse l’arrêt d’appel sur le second point, en se fondant essentiellement sur les règles du Code civil relatives au contrat de mandat. 

Malgré une lettre envoyée à son employeur aux termes de laquelle il affirmait ne vouloir exercer aucun mandat dans l’entreprise, le salarié se prévalait du statut protecteur. Selon lui en effet, le syndicat qui l’avait mandé n’ayant pas été informé de la renonciation, celle-ci n’était pas valable. 

Argument sans doute d’opportunité en l’espèce, mais qui a le mérite de poser la question des conditions de la renonciation à un mandat syndical. Doit-on retenir admettre que la seule volonté exprimée par le délégué syndical suffit, peu importe que le syndicat qui l’a désigné en ait été informé ? Ce qui conduit à soustraire les mandats syndicaux aux règles de droit commun énoncées par le Code civil. 

Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 2007 du Code civil, visé par la Cour de cassation : « Le mandataire peut renoncer au mandat, en notifiant au mandant sa renonciation. » 

Pour la Cour de cassation, la réponse est clairement négative : « le délégué syndical peut renoncer à son mandat en informant l’organisation syndicale qui l’a désigné de sa renonciation ». 

La solution a déjà été affirmée par le passé par la Cour de cassation qui a repris les termes de l’article 2003 du Code civil toujours à propos d’un délégué syndical (2). 

Une décision qui rapproche le mandat de délégué syndical d’un mandat de droit civil, mais qui ne devrait pas s’étendre aux délégués du personnel ou aux membres élus du comité d’entreprise, dont le mandat est exclusivement électif, à la différence de celui du délégué syndical. 

(1) La jurisprudence exige en effet que la lettre de licenciement elle-même énonce des griefs précis et matériellement vérifiables, cf. par exemple Cass.soc.14.05.1996, RJS 1996, n°664.  

(2) Cass.soc.19.12.2007,n°07-60009 : « le mandat ne peut prendre fin que par la révocation du mandataire, la renonciation de celui-ci au mandat ou par la mort naturelle ou civile soit du mandant, soit du mandataire ».  

 

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